Il ne s’agit pas de faire de l’anti socialisme primaire, et d’ailleurs tous les « socialismes » ne le méritent pas. Les socialistes allemands ont lâché les idées marxistes en 1959, lors du fameux congrès Bad Godesberg. La gauche italienne en a fait de même, bien que plus tard. Quant à la gauche britannique, elle apparaît aux antipodes de la nôtre. C’est bien la gauche française qui est unique et qui traine derrière elle un socialisme d’un autre âge.
Avec Mitterrand, on avait rapidement constaté que les idées de la gauche française étaient incompatibles avec l’exercice du pouvoir. La responsabilité d’un pays et de son économie ne pouvait s’accorder de gesticulations archaïques qui ont d’ailleurs poussé le Président de l’époque à changer radicalement de direction après deux années de mandat, au préjudice de ses électeurs bien évidemment. A ce sujet, n’avait-il pas déclaré, à peu près en ces termes : « En France, les élections, ça se gagne à gauche, et ensuite, on gouverne à droite. Tant pis pour les gogos qui y ont cru ». Ceci dit, les esprits restent encore marqués par un bilan désastreux : doublement du chômage, explosion du Front National, taux d’intérêts de combat qui rémunéraient le capital comme jamais auparavant (le comble). Cela s’est logiquement terminé par la cohabitation. Et plusieurs présidentielles furent successivement gagnées par la droite.
Avec le gouvernement de gauche actuel, que constate-t-on ? Que c’est pire !
-Pire parce que le virage à 180° a certes été annoncé mais n’a toujours pas été mis en musique. Le nouveau Premier Ministre, en minorité dans un gouvernement très idéologisé, frôle régulièrement l’empêchement. L’analyse des voix de gauche lors du vote de confiance montre qu’il y a encore et toujours de vrais convaincus. Malgré les très mauvais résultats de la politique engagée depuis deux ans, de nombreux frondeurs parmi les membres du gouvernement refusent le moindre virage libéral, et accusent même le Président de mener une politique qui ne serait pas assez socialiste (sic).
-Pire car un ministre comme A. Montebourg était psychologiquement, culturellement et idéologiquement capable de nationaliser n’importe quelle entreprise en difficulté. Idem pour une ministre du logement qui était capable d’encadrer les prix de tout un secteur d’activité. Certes, officiellement, aucun ministre du gouvernement actuel n’est communiste, ce qui n’était pas le cas sous la Présidence de F. Mitterrand. Pourtant, dans les faits, le gouvernement d’avant le dernier remaniement était bien plus proche du communisme que celui de F. Mitterrand !
-Pire car pour masquer l’écart entre les résultats du gouvernement et ses promesses, le mensonge est devenu l’unique salut d’un pouvoir aux abois. Jamais une telle surenchère de bobards grotesques n’a été proférée depuis longtemps, par un gouvernement qui ne cesse de se défausser quotidiennement sur la droite (encore deux ans après l’avoir éjectée), l’Europe, la conjoncture, le manque d’inflation, l’Allemagne, la rigueur, etc…
-Pire car en plus du mensonge, il semble que le second levier que le gouvernement utilise pour se maintenir en place et survivre à son incompétence soit la hausse des impôts. L’augmentation de la pression fiscale ne permet-elle pas d’acheter du temps et de flatter les idéologues les plus rances ?
-Pire parce qu’en dépit de l’évolution du monde économique et technologique, il y a toujours aussi peu de ministres qui ont mis les pieds dans une entreprise. Il est même probable qu’il y en ait moins (sauf erreur, sous F. Mitterrand, certains provenaient du monde industriel). Une incroyable question taraude l’esprit de nombreux analystes : les ministres (et le Président lui-même) savent-ils véritablement quelles sont les sources d’accroissement des richesses d’une économie ? Sont-ils capables de comprendre certains concepts tel que le coût d’opportunité (selon les économistes, 1 emploi financé par l’Etat tue 2 à 3 emplois privés) ? Comprennent-ils la réalité de la courbe de Laffer ou pensent-ils qu’elle n’est qu’un délire de plus des ultra-libéraux ? Sont-ils conscients des qualités actuellement nécessaires dans un monde globalisé et réactif ?
Trente ans plus tard, force est de constater que non seulement l’idéologie de la gauche française ne s’est toujours pas adaptée au monde économique d’aujourd’hui, mais elle semble s’en être éloignée ! Entre elle et un monde qui change de plus en plus vite, l’écart est devenu béant. Encore quelques mois, et il sera ingérable. La gauche française semble avoir été éjectée du temps. Mais que peut-on espérer de l’électeur de gauche ? N’a t-il pas suivi lui aussi la même trajectoire ?