Il souffle un vent d’espoir sur la France. Non pas que le pays se soit débarrassé de ses vieilles lunes marxistes, non pas qu’il se soit tout d’un coup rabiboché avec le réel. Mais tout de même, le mouvement semble s’être enfin enclenché pour de bon.
On pourrait sans doute dater le début de cette crise « morale » (quoique le mot soit un peu fort) de la gauche à la sortie du livre de Régis Debray « L’erreur de calcul ». Ce brûlot imprimé il y a quelques mois seulement sonnait comme un cri de douleur. Lors de son lancement, l’auteur avait violemment déploré combien il estimait dangereuse l’évolution que prenait la gauche en se rapprochant du libéralisme économique. Ce livre était d’autant plus révélateur que lors de ses interviews pour le présenter, Régis Debray se positionnait en ultime défenseur du patrimoine socialiste français. La phrase de Manuel Valls : « J’aime l’entreprise » l’avait fait hurler, comme suite à une blessure dans sa chair.
Parfaitement symptomatique était d’ailleurs la posture dans son ensemble. Car entre nous, au delà des mots, aucun observateur honnête n’a pu véritablement rencontrer la moindre preuve formelle de ce soit disant « virage libéral ». On attend toujours. Il s’agissait donc bien d’un cauchemar, d’un cri du cœur symbolique, d’une sorte d’angoisse de mort idéologique… Figure incontestée de la gauche française, dépositaire iconique de l’héritage socialiste, Régis Debray a été probablement le premier à exprimer de façon aussi clinique son malaise.
Mais d’autres ont suivi, avec sans doute moins de romantisme, mais selon la même espèce de virulence sauvage.
Le combat qui a fait rage entre les réformateurs-velléitaires (comment les appeler tant qu’ils ne sont pas passés à l’acte ?) et les « indignés » ou « frondeurs » (jolis vocables idéalement connotés) au sein du gouvernement avait en effet quelque chose d’épique. N’était-il pas pathétique même de voir s’affronter au sein d’une même équipe, les tenants de l’étatisme, de l’assistanat et de la décroissance, tous ligués contre leur chef hiérarchique, le traitant de misérable libéral ? N’était-il pas ubuesque de les voir s’étriper avec un tandem Valls/Macron qui a jusqu’à présent beaucoup « pêché » par la parole et pratiquement jamais par les actes ?
Il faut savourer à sa juste valeur ce clash, qui a bien évidemment sidéré nos voisins européens. A l’instar du cri de Régis Debray, il s’agissait d’un inévitable acting out. Et pour cause. Après des années d’accumulation de contorsions verbales, de fausses postures et de vrais mensonges, la pression ne devenait-elle pas intenable ? Peu à peu, sous les coups de butoir d’un réel indéboulonnable, le choix qui finissait par s’imposer à nos belles âmes gauchistes s’était rendu impossible. C’était soit battre en retraite devant les faits, et accepter sans gloire leur supériorité (ce qui signifiait ravaler par la même occasion des décennies d’hubris idéologique et de sophismes éculés), soit sortir par le haut, en vociférant plus fort encore sa foi gauchiste et son honneur. A l’instar d’un névrosé sous tension, fuyant par le biais d’une vulgaire mais tout aussi efficace formation réactionnelle. Au vu et au su de toute la nation, la soupape de la cocotte minute gauchiste gouvernementale s’était ainsi sacrifiée. Il s’agissait de rendre de toute urgence le dilemme de nouveau supportable. Au moins jusqu’à la prochaine crise.
Les terribles invectives échangées entre Caroline Fourest et Aymeric Caron, deux figures de la gauche française, semaine dernière dans l’émission partiellement censurée « On n’est pas couchés », sont typiquement de la même veine. Tout comme « Qui est Charlie ? », le dernier livre d’Olivier Todd qui attaque de plein fouet l’édifice érigé par les socialistes tout autour de « l’esprit du 11 janvier », édifice dont il torpille méthodiquement les fondations.
Ces soubresauts sont autant de furoncles percés, de pustules purulentes éclatées qui trahissent un mouvement tellurique douloureux. L’idéologie gauchiste française est en souffrance. Elle est en fusion sous les crânes de nos moralistes patentés. Des fumerolles de temps en temps s’échappent sous la poussée des explosions de lave incandescente. Ce n’est que le début. De telles manifestations sont appelées à considérablement se multiplier.
Pourquoi ? Parce qu’il est de plus en plus difficile de continuer sur la voie du mensonge et de l’affabulation. Le réel est devenu bien trop pénible et encombrant. L’ampleur du chômage, la violence sociale et religieuse, l’impuissance publique, la morgue gouvernementale, tout cela finit par peser.
A l’image d’un cloaque au sein duquel, du fait de l’accroissement du stress, les rats se comportent de manière agressive et aberrante, la cléricature socialiste devrait continuer de s’entredéchirer de la sorte. Jusqu’à la porte de sortie finale, la défaite électorale aux présidentielles de 2017.
En attendant, puisqu’il n’y a rien d’autre à faire, et qu’il n’y a surtout rien de plus à en espérer (à quoi aura-t-elle servi depuis 2012 ?), profitons sans retenue de ce magnifique spectacle tragi-comique.
11 mai 2015 7 h 48 min
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11 mai 2015 8 h 15 min
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11 mai 2015 16 h 43 min
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11 mai 2015 19 h 40 min
Ne rêvez pas :
« Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde. »