Si l’on en croit le nombre et la teneur des débats qui polarisent l’hexagone depuis le commencement de la vague d’attentats (Montauban), il semble que nous français ayons quelques difficultés à cerner, qualifier voire nommer le phénomène terroriste actuel.
Médias, experts et philosophes défendent en effet des thèses passablement contradictoires. Du fait des polémiques dont nous sommes quotidiennement abreuvés, bon nombre de citoyens ne savent plus si ce terrorisme est d’origine religieuse ou ethnique, s’il est typiquement local ou importé de Daesh, si les auteurs des violences sont des malades mentaux ou des combattants voués à une cause, si ce sont des extrémistes parfaitement intégrés ou s’ils ne s’agit que de marginaux sans formation ni travail… Mais comment leur reprocher compte tenu de ce tintamarre médiatico-politique particulièrement abscons ?
Une analyse pragmatique du phénomène
Quand bien même l’exercice s’avère un peu sordide, l’analyse du profil des terroristes peut nous apprendre beaucoup sur l’origine de leurs actes (pour peu que celui-ci soit homogène). Surtout, cette façon de procéder apparaît fondamentalement pragmatique : il s’agit de considérer des faits générateurs, tels qu’ils sont concrètement vérifiables, et non pas de tenter une mise en perspective d’ensemble, à posteriori. Car le profil des terroristes est un fait avéré, tangible, indiscutable. Il devrait être un préalable à toute tentative d’interprétation des actes perpétrés sur le sol français.
Le tableau ci-dessous relate de façon synoptique ces profils. Seuls les terroristes dont la participation directe a été démontrée y apparaissent. Ils sont au nombre de douze (l’auteur de la tuerie de Nice étant le dernier de la liste, et encore incomplètement renseigné) :
En réalité, bien que le profil de ces criminels se ressemble étonnement, et on peut parler ici de « stéréotype », le phénomène terroriste apparaît dans toute sa complexité. Pourquoi ? Parce que justement, le profil des auteurs des attentats commis sur le sol français se ressemble sur de nombreux plans, et pas seulement sur celui d’une inspiration politico-religieuse islamiste ou pro-Daesh.
En effet, ces terroristes sont tout aussi proches en matière d’origine familiale ou sociologique qu’ethnique. A l’inverse, quasiment aucun d’entre eux n’était un musulman pratiquant. Tous s’étaient convertis de façon aussi récente que radicale, dans des conditions très particulières. Ces similarités sont donc troublantes, et permettent de rétablir les contre-vérités suivantes :
-L’Islam n’est pas la seule ou la principale cause
Pour rappel, le plus grand pays musulman de la planète est l’Indonésie et ce pays ne se caractérise pas spécialement par une acception rigide et violente de l’Islam. Bien au contraire. Il en est de même pour les populations d’autres pays musulmans, comme l’Iran ou la Turquie (indépendamment des propos ou actions de leurs gouvernements respectifs). Il ne faut donc pas céder à l’amalgame. Mais il ne faut pas non plus oublier l’importance de l’Islam dans la trajectoire de ces terroristes : tous on rencontré des extrémistes religieux (en prison le plus souvent). Ceux-ci leur ont servi des discours en forme de justification à leur passage à l’acte. L’endoctrinement religieux, le culte de la violence et de l’anéantissement des populations impies, tout cela semble facilité par une lecture radicale du Coran.
–Le genre, l’origine ethnique et la structure familiale jouent un rôle indéniable
Ce sont tous des hommes jeunes (20 à 31 ans). Ils sont presque tous issus d’importantes fratries (information non connue à ce jour concernant le terroriste du 14 juillet)(cf analyses du Docteur Rik Coolsaet pour The Guardian, Les Echos 11/2015). Et ils ont presque tous été élevés dans une relative absence d’autorité paternelle si ce n’est parentale. Ce sont donc des enfants dont l’éducation s’est avérée partiellement défaillante en ce qui concerne ce processus si important que constitue l’édification du Sur Moi du futur adulte apte à la vie en société.
De même que tous proviennent de familles d‘Afrique du Nord, tous étant du Maghreb sauf un, issu d’une famille malienne. L’unicité géographique reste donc particulièrement frappante : Tunisie, Algérie, Mali et Maroc sont des pays voisins. La coïncidence ethnique ne tient d’ailleurs pas du hasard : ces quatre pays proviennent d’anciennes colonies ou protectorats français. Aucun Egyptien, Iranien, Indonésien (ou même Vietnamien, Espagnol, Italien ou Portugais) n’a encore frappé chez nous. Il subsiste probablement un ressentiment vis-à-vis de l’ex colonisateur français, une sorte d’ambivalence amour/haine qui ne peut qu’aider au passage à l’acte lorsqu’un certain nombre de conditions sont réunies par ailleurs.
-La composante immigration est déterminante mais pas là où on pense
Elle est certes déterminante puisqu’aucun de ces terroristes n’était d’une famille française de longue date. Tous sauf un étaient issus de la seconde génération de l’immigration (le dernier terroriste était tunisien), cette génération qui, selon les sociologues, peine encore plus que la première à s’intégrer. Aux difficultés rencontrées par les parents, qu’elle a subies pendant toute son enfance, s’ajoutent les siennes propres à l’école puis à l’entrée dans la vie active. Les parents ont choisi l’immigration, ils ont consacré leur énergie à survivre au changement de contexte culturel et ethnique. Mais les enfants ne sont pas mieux lotis pour autant, comme s’ils reprenaient le processus au stade auquel les parents l’on trouvé lorsqu’ils sont arrivés sur le sol français.
Néanmoins, cette difficulté relative à l’immigration n’est pas celle que l’on croit : pratiquement tous ces terroristes avaient un métier, une formation (certes limitée, sauf pour le dernier d’entre eux) et de quoi vivre ne serait-ce que décemment. Les difficultés de l’intégration sont donc ailleurs, du côté de la possibilité de faire jeu égal avec la population du pays d’accueil, sur fond d’un possible sentiment de rejet ou de désamour de part et d’autre (aspects physiques, accent, activités culturelles, valeurs)…
Il s’agit certes d’un échec sur le plan de l’intégration, mais celui-ci ne concerne pas directement l’aspect financier. Cet échec se cristalise sur un autre plan, bien plus subtil et prépondérant : celui d’une véritable assimilation. En France, la sélection scolaire puis professionnelle fait apparaître en effet des inégalités criantes entre origines ethniques. Tous les immigrés ne sont pas frappés de la même manière. Les statistiques sont formelles : parmi les différentes ethnies de l’immigration, ce sont les populations en provenance des pays musulmans, maghrébins ou africains (selon les études) qui affichent les taux de réussite scolaire et professionnel les moins bons (cf les travaux de Nicolai Sennels, Atlantico 04/2016 ; l’Ined, le Figaro 10/2010; Claudine Attias-Donfut, le Figaro 10/2009). Les écarts sont considérables, en ce qui concerne les garçons…
Simplification médiatique et politiquement correct
Ainsi, le passage à l’acte de ces terroristes semble multi-causal. Il prend son origine dans la combinaison de plusieurs variables. Ces variables sont quasiment identiques d’un terroriste à l’autre au sein de cette liste certes courte, mais exhaustive. Ce qui prouve combien c’est la combinaison de ces variables qui semble détonante, et non quelques unes d’entre elles prises séparément. Est-ce pour cela que le concert médiatique et les polémiques qui parcourent l’hexagone visent à réduire ce terrorisme à des causes simples et parfaitement circonscrites ? Est-ce parce que le travail journalistique de type pédagogique n’a plus cours de nos jours, dans des comités de rédaction dont l’objectif se résume à des slogans simplificateurs à la portée de n’importe quel cerveau ? Est-ce parce que les hommes politiques ne se sentent pas eux-mêmes le courage de nommer cette complexité et préfèrent en profiter pour dissimuler leurs propres responsabilités ?
A contre courant de cette tendance, voici donc un schéma qui résume de façon visuelle (et sans les hiérarchiser) la conjonction des différences causalités très probablement à l’origine du passage à l’acte de ces terroristes :
Il est vrai qu’à la lecture de ce schéma, les responsabilités de la France apparaissent clairement. Force également de constater que le phénomène en question n’est certainement pas prêt de s’estomper sans une prévention et une répression efficaces. Pilonner les positions de Daesh semble tellement éloigné de ce dont l’hexagone aurait immédiatement besoin !
25 juillet 2016 5 h 35 min
[…] Sur le web […]
25 juillet 2016 12 h 55 min
Encore de l’autoflagellation « Les responsabilités de la France apparaissent clairement ».
L’auteur adepte manifestement du « politiquement correct » évite soigneusement de mettre en évidence la constante absolue la religion musulmane qu’il relève dans son tableau, celui-ci comporte une omission capitale, à savoir le degré de croyance « La foi » des terroristes au moment de leur passage à l’acte, tous souhaitaient mourir en martyr pour gagner la paradis d’Allah.
25 juillet 2016 13 h 34 min
Ce que vous appelez de l’autoflagellation n’en est pas du tout. Par ailleurs, vous ne semblez pas avoir saisi le principe même d’une analyse multi-variés puisque vous ne considérez que la constante religieuse alors qu’il y en a plusieurs autres, et qui semblent tout aussi importantes. Considérez le nombre de croyants musulmans qui ne sont pas des terroristes. Ce n’est pourtant pas difficile de prendre du recul par rapport à un événement. Le politiquement correct pousse à diaboliser un seul élément à la fois, c’est le travers actuel des médias et des politiques. C’est exactement ce que pourfend cet article. Vous semblez donc totalement « bien comme il faut » puisque vous répliquez ce travers ! Mais peut-être que vous vous méprisez sur l’article lui-même. Il est compliqué, je vous l’accorde, mais il ne cherche pas à tricher avec les faits. Il vise à les relater sans les amputer ni les simplifier, ni les réduire, chose que ne font que quelques rares médias…
26 juillet 2016 7 h 57 min
« Considérez le nombre de croyants musulmans qui ne sont pas des terroristes. »
C’est totalement politiquement correct, ainsi, vous pensez peut-être que le Tunisien qui m’a cassé une dent dans le centre de Paris, que l’Algérien qui a ouvert le crâne de mon fils dans la cour de récré et que le migrant Marocain qui a violé ma fille mineure dans un train, ne sont pas des actes terroristes !
Ce sont bel et bien des actes de Jihad, ce sont des terroristes, et les populations européennes souffrent d’un Jihad continu depuis la création de l’Islam.
25 juillet 2016 21 h 14 min
Je contais votre intéressante analyse à mon épouse et lorsque, mentionnant parmi les caractéristiques communes aux terroristes « l’importante fratrie », elle a aussitôt évoqué l’ambiance de victimisation dans laquelle se complaisent les gens qui repoussent la culpabilité sur l’état, le gouvernement, les autres, etc..ambiance favorisant le désir de vengeance chez les frustrés.
Association d’idée entre éducation /famille, état et individu révolté, me vint en mémoire la méthode employée par le gouvernement chinois pour maîtriser les immolations par le feu des tibétains; la famille sera jugée et tenue responsable du suicidé de par la mauvaise éducation/influence qu’elle a dispensé.
Très dissuasif pour les éventuels candidats à l’immolation par le feu !
26 juillet 2016 12 h 21 min
C’est sûr !
26 juillet 2016 9 h 30 min
Rien à redire, analyse parfaite, intelligente et on ne peut plus imparable. Elle l’est d’autant plus qu’elle ne fait que confirmer ce que nombre d’associations et de politiques issus des quartiers défavorisés dénoncent depuis plus de 40 ans, à savoir les risques inhérents à la ghettoïsation d’une partie de ses citoyens pour une société comme la notre. On sait depuis bien longtemps que l’on a créé des bombes avec les banlieues laissées à l’abandon quasi total et récupérées depuis 20 par les islamistes, on ne savait simplement pas encore comment cela allait une jour nous revenir à la figure autrement que par le développement des trafics divers et variés. On retrouve le même phénomène aux USA avec la communauté noire mais sous une autre forme car le contexte historico-socio-culturel est évidement différent, à savoir l’apparition des gangs qui forment un état dans l’état et contre lesquels les forces de l’ordre et plus généralement l’état américain, est totalement démuni. Et bien nous avons désormais notre réponse à nous et je crains effectivement qu’elle risque d’être extrêmement difficile à éradiquer après 40 ans de laxisme…
26 juillet 2016 11 h 23 min
Totalement d’accord avec vous
31 juillet 2016 9 h 06 min
Les deux assassins de Saint-Etienne-du-Rouvray me semblent répondre aux mêmes critères que les autres.
Par contre, je note que celui de Nice, à la différence des autres, n’était pas enfant d’immigré, mais souffrait de troubles psychiatriques. Ce qui ferait de son acte plutôt un suicide à la façon du copilote de la Germanwings qu’une action terroriste.
Vous seriez d’accord ?
1 août 2016 21 h 11 min
Non, car c’est un fils d’extrémiste religieux et possède plusieurs similarités avec les autres terroristes. Mais vous avez raison, il est différent du reste de la population analysée. Il souffrait de troubles psychiatriques.
10 août 2016 16 h 54 min
Et qui a remué les braises ardentes ?
Ce que je remarque c’est que celui qui disait s’attaquer à la finance, s’attaque aux petits contribuables en le fichant. Notre petit président qui voulait d’une France rassemblée c’est évertué à nous diviser. Et voilà que cet imbécile en se joignant aux américains et en faisant la guerre à tout va en Afrique nous a ramené la guerre ici.
Les véritables criminels sont nos dirigeants. Honte à eux.
30 décembre 2016 10 h 53 min
L’analyse est intéressante.
Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par cette conclusion : « Il est vrai qu’à la lecture de ce schéma, les responsabilités de la France apparaissent clairement. » ?
Quelle seraient selon vous les responsabilités de la France ? Et qu’entendez-vous par « la France » ? Parlez-vous du gouvernement français actuel ? des gouvernements successifs ou de l’un d’entre eux en particulier ? Parlez-vous d’une responsabilité historique ? Parlez-vous du peuple français ? Je trouve l’affirmation telle que vous la posez relativement imprécise.
31 décembre 2016 0 h 18 min
Merci pour ce commentaire qui révèle un manque de précision : les fautes de la France ne sont pas détaillées mais je pensais qu’elles sauteraient aux yeux en lisant l’illustration de l’article. En fait, pour moi, un pays comme la France a été fautif de faire venir autant de monde sans avoir su conserver la dynamique économique des 30 glorieuses. L’autre tort est dans le manque de discernement dans le choix de cette immigration. C’est facile à dire maintenant, mais comme le pays n’a plus d’emplois à offrir, cela met en exergue d’autres problèmes liés à ce que j’appelle la « distance culturelle ». L’échec scolaire des populations immigrées dont je parle dans l’article est la preuve que la France a invité des populations qu’elle est à présent incapable d’assimiler correctement. Ces erreurs sont une succession de décisions de gouvernements successifs, et puis un beau jour, les problèmes sont apparus au grand jour. Le pourcentage de certaines populations d’immigrés soutenant les terroristes ou préférant les lois de l’Islam à celles de la république constitue une nouvelle illustration de l’ampleur du problème.
14 mars 2017 11 h 34 min
[…] Sur le web : 1 – Cf les travaux de Nicolai Sennels, Atlantico 04/2016 ; l’Ined, Le Figaro 10/2010 ; Claudine Attias-Donfut, Le Figaro 10/2009. […]
8 juillet 2017 16 h 02 min
[…] Sur le web […]