Faut-il avoir honte de la campagne présidentielle actuelle ? Ou plutôt s’en réjouir en levant une coupe de champagne à la mémoire d’Offenbach ? Ne sentez-vous donc pas flotter comme un air d’opérette, comme un souffle d’insouciance qui fait tourner la tête ?
A l’instar de la grande duchesse de Gerolstein qui se fichait pas mal des conséquences de ses décisions politiques, le pouvoir en place semble n’avoir d’occupation que pour la chasse à courre engagée contre le candidat F.Fillon. Seule une battue de cette ampleur pouvait bien évidemment tirer du sommeil une classe politico-médiatique aussi résignée, et faire diversion quant à son splendide échec l’espace d’un suffrage universel.
Véritable pisse-vinaigre dans un monde de raffinements oniriques généralisés, F.Fillon ne l’a-t-il pas cherché un peu lui aussi, avec cette façon de briser l’atmosphère frivole de fin de règne socialiste ? N’a-t-il pas fait preuve d’outrecuidance en laissant supposer, au beau milieu du tintamarre des bonimenteurs étatiques, qu’il soit possible d’être mû par un vrai dessein politique ? N’a-t-il pas commis la pire des goujateries en osant parler du monde économique réel sans voile pudique ni mensonge idéologique ? Sacrilège ! Crime de lèse-majesté ! Faute irréparable de goût ! Imaginons un instant le courroux de l’oligarchie socialiste, elle qui craint comme la peste cette échéance électorale, elle qui redoute par-dessus tout de devoir assumer, encore une fois, les tristes résultats de ses actes.
Mais voila maintenant que la traque contre F.Fillon perd de son intensité et qu’une partie de l’oligarchie, la caste des plumitifs, s’entiche pour de nouvelles victimes. Après avoir massacré la candidature dudit rabat-joie jusqu’à plus soif, l’attirance pour la chair fraîche reprend ses droits. De nouvelles victimes sont harcelées : Haro sur E.Macron et ses dérapages christiques ! Sus à M.Le Pen et ses emplois fictifs avérés !
Ainsi, s’offre à nous citoyens un délicieux spectacle, sorte de carrousel ininterrompu de réjouissances servies sur un plateau par les laquais journalistes inféodés. Ne boudons pas notre plaisir. Ces divertissements ne nous transportent-ils pas quelque part entre deux flûtes remplies de bulles sur fond de musique d’Offenbach ? Certes, ces badineries mondaines, ces festivités de cour génèrent une telle cacophonie qu’elles couvrent allègrement les bruits en provenance du front. Mais n’est-ce pas là le principal ?
Cas tous ces bruits dont personne ne parle, ces remugles en provenance de la plèbe, ces plaintes émanant d’inactifs devenus pléthoriques, ces lamentations exprimées par des nécessiteux de plus en plus nombreux, en un mot, la gabegie des gouvernements successifs qui nous ruinent à petit feu depuis ces trente dernières années, gouvernements au sommet desquels celui socialiste actuel trône en champion toutes catégories, tous ces bruits donc ont un très vilain défaut : ils sont dérangeants. Et comble du manque de savoir-vivre à la française, ils peuvent carrément gâcher la fête. Ne serait-il pas indécent d’interrompre toute cette kermesse avec sa clique de beaux parleurs, de prestidigitateurs en verve et d’arracheurs de dents aussi récréatifs ?
Alors, amusons-nous pendant qu’il est encore temps. Devisons sur des sujets les plus en cour du moment : revenu universel, dépénalisation de la drogue, protection sociale, recrutements d’agents publics, décroissance, tiers-mondisme… Et buvons tous à la mémoire d’Offenbach dans cette magnifique démocratie d’opérette qu’est devenu notre vieux pays passablement fatigué.