Il est désespérant de voir comment, tout d’un coup, le mouvement si populaire des gilets jaunes, porteur de nombreux espoirs, se retrouve encerclé par la gauche et l’extrême gauche (après avoir d’ailleurs été sollicité au tout début par le FN).
Certes, les infiltrations par des éléments violents de l’utra-droite ou de l’utra-gauche représentaient déjà une première menace. Certains commentateurs ont pensé (sans preuves ?) que pressentant le danger, le gouvernement aurait laissé ces éléments noyauter les manifestations afin de décrédibiliser l’engouement populaire dans son ensemble.
Quoi qu’il en soit, et malgré ces débordements hélas à déplorer, les gilets jaunes ont fait la démonstration d’une puissante base populaire. Parce qu’elles étaient non politisées, et parce qu’elles émanaient de citoyens tout simplement normaux, parmi lesquels des entrepreneurs (fait rarissime), leurs revendications apportaient une véritable espérance : forcer le gouvernement socialiste actuel à sortir de ses schémas technocratiques mortifères, le forcer enfin à prendre en considération la réalité sociale des Français. Ceux-ci ne s’y sont pas trompés et ont massivement soutenu le mouvement. A un niveau historiquement élevé si l’on en croit le sondage Odoxa de fin novembre (84%).
Hélas, au risque de voir le gouvernement réagir de façon démagogique et socialiste face à des récriminations qui n’attendent que des solutions libérales s’ajoute un second risque, qui finalement ne fait qu’amplifier le premier, celui de la récupération du mouvement par les professionnels du combat social à la française ! C’est en effet pitoyable de voir se réveiller subitement toutes ces arrière-gardes de la révolution communiste, à savoir FO, CGT et la France insoumise, qui se mettent à courir derrière un mouvement qui a démarré sans elles !
« Je ne me sens pas si mal placé pour savoir comment régler (le problème) quand j’entends que mon propre programme se trouve dans la rue. Et je n’y suis pour rien » a déclaré avec gourmandise Jean-Luc Mélenchon le 2 décembre. Certes il existe des points communs avec son programme mais celui des gilets jaunes puisait sa source non pas dans le projet de transformer la France en un pays dépouillé de ses citoyens riches mais dans celui d’une libéralisation du pouvoir d’achat par une diminution de la pression fiscale, ce qui est presque l’inverse.
De leurs côtés, les syndicats se permettent de juger les avancées obtenues par les gilets jaunes, se plaçant ainsi de facto comme s’ils étaient les auteurs des revendications. La plupart des syndicats saluent d’ailleurs les mesures décidées par le gouvernement pour calmer le jeu, à l’exception de la CGT dont la centrale, après avoir boudé le mouvement, demande beaucoup plus : « Ces mesurettes ne sont pas de nature à permettre à une majorité de la population de boucler des fins de mois de plus en plus difficiles (…) L’heure est à la tenue d’assemblées générales dans les entreprises et les administrations pour élaborer des cahiers revendicatifs ».
Profitant de l’aubaine pour se refaire une santé à peu de frais, FO et CGT appellent donc à la grève des routiers, tandis que la CGT du cimentier Lafarge demande carrément de rejoindre les gilets jaunes. La reculade de la CGT trahit à elle seule toute cette mascarade d’opportunismes : quelques jours avant la manifestation du 16 novembre, son secrétaire général Philippe Martinez avait déclaré : « Impossible pour la CGT de défiler à côté du FN » !
Mettons-nous une seconde à la place de ces syndicats spécialisés dans la « défense des acquis sociaux », tout d’un coup méchamment relégués au rôle de spectateurs devant le plus grand mouvement social jamais lancé depuis longtemps. Quelle cuisant désaveu ! Cachons vite cette horrible réalité : oui, les partis et les syndicats extrémistes ne défendent plus qu’une minorité de Français[1].
Les gilets jaunes, un retour aux sources de la revendication populaire
Il n’est certes pas question de surestimer les revendications des gilets jaunes et de les repeindre encore plus pures et libérales qu’elles ne l’étaient. Néanmoins, leur mouvement affichait plusieurs dimensions prometteuses, allant dans le sens d’une libéralisation du carcan économique dans lequel la société civile se trouve engoncée :
-il était spontané. Sans doute une bonne partie des manifestants contre la limitation des 80km/h s’y retrouvait, auxquels se sont jointes toutes les personnes excédées par le prix du carburant et par l’augmentation de la pression fiscale (ce qui représente beaucoup de monde) ;
-il n’avait pas de leaders déclarés appartenant à tel ou tel parti politique. Plusieurs porte-paroles ont fini par émerger mais cela prouvait ainsi leur neutralité et l’absence de calcul politique ;
-il ne demandait pas à priori la taxation des riches, vieille rengaine pavlovienne française lors des mouvements soi-disant sociaux, mais une diminution de la pression confiscatoire de la part de l’état.
Ainsi, sans le savoir vraiment, et de façon plus ou moins brouillonne, le mouvement des gilets jaunes avait tout de même réussi la gageure de se battre contre la véritable origine des difficultés du pays : la pieuvre socialiste au pouvoir. Hélas, mille fois hélas, ce début de salubre lucidité, ce rayon de lumière qui tente de percer dans l’obscurité étatique hexagonale est en passe d’être empêché !
L’hydre étatique, terriblement vivace et multiforme
Le fait que ce mouvement des gilets jaunes, seul mouvement digne du qualificatif « populaire » depuis longtemps, soit l’objet d’une tentative globale de récupération par les professionnels de l’étatisation est un comble qui prouve à quel point le pays est bétonné, congelé, encerclé, cadenassé par la noosphère de gauche.
En effet, d’un côté, parce qu’il ne sait rien faire d’autre, le gouvernement socialiste Macron – Philippe répond aux revendications par une hausse du smic, ce qui va mécaniquement déclencher, comme chaque fois, une hausse du chômage et des impôts, c’est à dire l’exact opposé de ce qui était demandé par les gilets jaunes ! De l’autre, les syndicats d’extrême gauche et la France insoumise remettent sur le tapis le retour de l’impôt sur les fortunes et la taxation des riches. Et demandent donc encore plus d’état et de protection !
Il y a longtemps que l’on sait que la gauche, les syndicats d’extrême gauche et les partis extrémistes (gauche et droite confondues) font le jeu de l’état et de ses délires confiscatoires. Mais aujourd’hui, cette situation s’est précipitée dans une sorte de caricature assez terrifiante. Il suffit que pour une fois le peuple essaie de parler de sa propre voix pour qu’il s’en trouve aussitôt empêché par les représentants qu’il a lui-même élus ! Etat, syndicats, partis extrémistes, tous se liguent en effet, car tous idolâtrent le même idéal socialo-communiste, parfaitement anti-libéral, terriblement nocif à l’enrichissement personnel et au progrès de la société. Triste résultat : le peuple est aujourd’hui pris en tenaille.
Il ne reste qu’un seul espoir : que le mouvement des gilets jaunes résiste, clame son indépendance et ne se laisse neutraliser ni par les syndicats, ni par les partis politiques, ni par l’état contre la lourdeur duquel il se bat depuis le début avec la meilleure des légitimités !
[1] parmi lesquels, pour les syndicats, de nombreux statuts protégés !
6 décembre 2018 6 h 30 min
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