Si la politique se définit comme « la science du gouvernement de la cité »[1] elle évoque aussitôt de grandes responsabilités et d’aussi grandes qualités à l’aune desquelles tout homme politique doit être évalué. Parmi les plus évidentes viennent à l’esprit :
– la défense des intérêts du peuple qu’il dirige,
– la capacité à élever celui-ci, à le tirer vers le haut, à améliorer son sort.
Ces dimensions impliquent un don de soi évident, un charisme au service de l’élévation du peuple, beaucoup d’intérêt naturellement pour ledit peuple, ainsi qu’une indéfectible honnêteté.
Dans son livre « La condition politique », Marcel Gauchet décrit notamment le processus qui a consisté, pour les sociétés humaines modernes, à quitter peu à peu le giron du religieux pour rentrer dans une ère où les citoyens choisissent parmi leurs semblables, non plus un représentant de Dieu sur terre, mais celui ou celle qui veille à la gestion de leurs intérêts quotidiens. A la différence du premier, l’élu du peuple bénéficie donc d’un mandat nettement plus prosaïque. Il est par conséquent tenu à une obligation de résultats. En effet, ce n’est plus à Dieu de dicter au peuple (via son représentant) ce qu’il convient de faire, mais au peuple d’exprimer sa satisfaction ou pas vis-à-vis de celui qui gère la cité.
Comme dans tout mandat électif, le risque est hélas grand de tomber sur un homme politique qui détourne ne serait-ce que partiellement le pouvoir à son profit. De nombreux pays dans le monde illustrent encore ce genre d’abus, avec, dans les cas les plus extrêmes la captation des richesses du pays et le maintien au pouvoir par la force et la terreur.
En France, nous n’en sommes pas là. Pas encore diront certains. Car entre l’abnégation d’un homme idéalement dévoué à son peuple et l’indécence d’un dictateur de république bananière, existe une infinité de nuances sur lesquelles, nous citoyens, devons rester vigilants et juger la façon dont se comporte et évolue celui qui nous gouverne. Le rôle de chacun d’entre nous n’est-il pas d’analyser toute nouvelle péripétie de sa part selon l’ensemble de ses actes passés ? Dans une démocratie en crise comme la nôtre, ou dans ce qu’il en reste de démocratique, ne serait-il pas criminel de se montrer naïf plusieurs fois de suite ?
Justement, la dernière péripétie en date commise par notre président Macron nous fournit un excellent exemple sur lequel chaque citoyen doit exercer cet esprit critique qui lui échoit de droit et dont il ne doit surtout plus se départir.
Macron fait ses courses à LR
En pleine crise des gilets jaunes, le président Macron a reçu Sarkozy, ce qui aurait pu s’interpréter comme un geste d’ouverture. En période difficile, il est en effet tout à fait pertinent, pour le président, de consulter les représentants des différents courants politiques français. Or, sauf erreur, Macron n’a consulté personne d’autre, de ce niveau, qui puisse montrer de sa part le souhait de couvrir tout le spectre des opinions du pays. Il a également demandé à ce même Sarkozy de le remplacer pour l’investiture de la nouvelle présidente de Géorgie. Mais pourquoi donc Sarkozy, cet ancien président à la popularité terriblement rétrécie ? Et pourquoi ce rôle de représentation internationale qui n’a aucun rapport avec la grave crise sociale que traverse le pays ?
A l’analyse, la seule véritable ouverture opérée par Macron pour résoudre la crise des gilets jaune aura été le lundi 10 décembre en invitant les syndicats, les partenaires sociaux et les représentants des collectivités. Et encore, de la part de quelqu’un qui se dit du « nouveau monde » (sic), avouons tout de même que ce choix est surprenant. Au lieu de dialoguer en direct avec le peuple, cette préférence pour ces corps intermédiaires dont la représentativité est pour la plupart d’entre eux aussi faussée qu’idéologisée[2] n’est-elle pas paradoxale ?
Car la crise à laquelle le gouvernement doit actuellement résoudre est majeure. Le mouvement semble d’ailleurs vouloir se généraliser. Or que fait le président si ce n’est de tenter de noyer le mouvement dans le canevas socialo-communiste habituel tout en brandissant Sarkozy tel un hochet pour faire patienter des éventuels insatisfaits de droite ? Dans le but non pas de régler les problèmes sociaux actuels mais d’étouffer la révolte ?
Cette interprétation serait-elle exagérée ? Qu’a cela ne tienne : analysons donc les précédents agissements du président depuis son élection et mettons tout cela en perspective !
Macron, l’as de l’emballage autour du flou
Lorsque l’on postule pour la plus haute responsabilité, surtout quand la compétition est en principe ouverte à tous les prétendants[3], la moindre des choses consiste à faire un bilan de l’état du pays et à s’engager sur un programme d’améliorations. Certes, il ne s’agit pas de réduire la campagne électorale à une compétition entre experts, la part purement humaine demeurant essentielle. Néanmoins, quand le candidat Macron déclare lui-même que le programme n’est pas « au cœur d’une campagne » et qu’il s’agit surtout d’une « communication privilégiée » qui doit s’instaurer entre « un peuple et un individu », son comportement fait bien plus songer à une élection en république bananière qu’à une consultation destinée à informer de façon factuelle et transparente le peuple auprès de qui on a l’honneur de susciter un mandat pour le servir…
Ne pas s’engager sur une politique ne respire en effet ni le respect des citoyens, ni la transparence. Mais d’un point de vue purement marketing, ce flou s’est avéré d’autant plus efficace que Macron s’est présenté en dehors des partis politiques classiques, préférant tuer tout débat en se positionnant au centre, ce centre dont il sait qu’il s’apparente (à tort) au lieu géométrique de l’équilibre politique, sorte d’endroit dénué de tout préjugé militant. Il s’agissait bien évidemment d’une seconde malhonnêteté car la plupart des membres de LREM sont des socialistes à qui Macron a demandé de le rejoindre à condition qu’ils abandonnent leur pancarte PS. Et quand bien même les quelques « constructifs » récupérés à LR n’étaient pas des foudres de guerre du libéralisme[4], ceux-ci ont constitué les otages-cautions tout à fait utiles au packaging de l’ensemble. Ainsi, très adroitement, Macron a noyé tout débat d’idées et toute légitimité politico-économique dans ce magnifique triangle des Bermudes appelé centre, tout en assurant la parfaite continuité de la politique socialo-étatique de son prédécesseur.
Cette opération de rebranding et de packaging ne s’apparente-t-elle pas à une stratégie de vendeur à la sauvette, à un coup de marketing one-shot ? Dans un pays à la compétitivité en berne et aux finances exsangues, le peuple ne méritait-il pas mieux qu’un lamentable bundle promotionnel[5] ?
Macron, l’autocrate en herbe
L’absence de transparence du candidat à la présidentielle laissait augurer d’autres entourloupes qui, sans surprise, n’ont pas tardé à se réaliser. La première du genre, qui a suscité des réactions de rejet y compris parmi les médias historiquement inféodés au pouvoir socialiste (c‘est dire !), fut la décision de Macron de choisir lui-même les journalistes devant suivre son actualité et ses déplacements. A force d’avaler des couleuvres, peut-être que tous les français n’ont pas saisi à sa juste mesure une telle saillie. Et pourtant, celle-ci est inquiétante d’autoritarisme.
On retrouve d’ailleurs ce même mépris du respect démocratique et transparent du peuple lors de l’affaire Benalla. Pouvait-on imaginer quelques années plus tôt qu’un président français recruterait lui-même parmi ses proches une barbouze pour frapper des manifestants, barbouze dont il assurerait personnellement et en dehors de tout cadre administratif, promotion, grade hiérarchique et logement en récompense de ses coups de matraque ?
Macron, le virtuose des fausses promesses
Ceci étant dit, la plus grosse entourloupe du président aura été celle concernant la baisse des impôts, baisse annoncée pour masquer les hausses touchant la quasi totalité des français, retraités compris. A ce niveau là, c’est monstrueux. Bien sûr, Hollande avait déjà fait fort avec ses chiffres du chômage tronqués pour faire accroire qu’il battait Sarkozy[6]. Mais tenter de faire avaler une hausse des prélèvements en annonçant le contraire prouve à quel point Macron n’est ni respectueux du peuple, ni même subtil. Considère-t-il celui-ci comme un ramassis de benêts pour avoir cru que la vérité ne serait jamais découverte ?
Le plus folklorique réside dans sa volonté affichée de passer pour un réformateur. Sans doute cette posture cadre-t-elle avec l’image qu’il se fait de lui-même. Elle n’en demeure pas moins abusive car, où sont les réformes ? Celle du droit du travail a été bénéfique mais sans aucune envergure : elle s’est bien gardée de simplifier le mille-feuille juridique, encore moins de toucher aux inégalités entre public et privé, inégalités jugées parfaitement injustes à l’étranger. Celle de la SNCF constitue quant à elle un moment d’anthologie, un ratage digne d’un prestidigitateur en plein délire éthylique. A l’inverse, qu’en est-il de la réforme de l’état, celle que le pays attend de ses vœux depuis des décennies, celle qui doit enfin relancer notre compétitivité vacillante en libérant l’initiative privée ? Elle n’est toujours pas à l’ordre du jour, et les objectifs d’économies du gouvernement ont même été revus à la baisse dès le début du mandat de Macron !
Finalement, les mensonges pour justifier les investissements dans les 440 radars mobiles parallèlement à la limitation des routes à double sens à 80 km/h, soi-disant pour une histoire de sécurité publique[7], paraissent presque puérils en comparaison. Tout comme celui pour tenter de faire gober les taxes sur l’essence, pour une question de pureté de l’air…
Macron, le président qui n’est surtout pas au service du peuple
A ce jour, il n’est même pas exagéré de dire que les citoyens français sont pris pour des imbéciles. Si encore cela provenait d’un président efficace et cohérent, cette morgue pourrait éventuellement passer. Et sans doute serait-elle acceptée. Mais plus le temps s’écoule, et plus les agissements du président sont désordonnés et contre productifs. Une seule chose paraît passionner Macron en réalité : l’exercice de son autorité au jour le jour. Briller à l’étranger, collecter les impôts et dépenser toujours plus, décider pour le pays tout en le méprisant avec ostentation, telles sont les activités sur lesquelles les français peuvent lui faire confiance. Pour le reste, ce n’est que la poursuite du désastre économique, dans la lignée de son mentor Hollande à quelques détails près.
Jusqu’à quand ce sordide folklore va-t-il durer ? Jusqu’à la prochaine révolution qui renversera Macron ? Et pour mettre qui à la place ? Un autre énarque socialiste grâce à une campagne présidentielle de nouveau pipée ?
[1] Définition proposée dans La philosopie.com
[2] Les syndicats français ne représentent qu’environ 8% des travailleurs, avec une surreprésentation des fonctionnaires !
[3] Ce qui n’a pourtant pas été le cas en 2017 : le seul candidat au programme libéral a été dégommé en pleine campagne, à peine après avoir gagné les primaires de la droite et du centre…
[4] Le Maire est chiraquien, Philippe est juppéiste, donc tous deux socialistes assimilés
[5] Offre conjointe en français, qui consiste à associer plusieurs produits différents ou complémentaires dans une même offre afin de séduire plus de clients
[6] Même pas ! Malgré le contexte de reprise économique tout au long de son mandat, Hollande affiche un bilan tout simplement catastrophique. La France a décroché du reste de l’Europe. L’absence d’un président pendant ces 5 terribles années aurait été incroyablement bénéfique !
[7] Il y a 3 fois plus de morts par suicide que sur la route. La France est à peine au dessus de la moyenne européenne en matière d’accidentologie ! Elle est proche des sommets en matière de dépressions et de suicides…
24 décembre 2018 6 h 30 min
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20 janvier 2019 21 h 46 min
« Marcel Gaucher » >>> « Marcel Gauchet »
21 janvier 2019 17 h 45 min
Oups, désolé. Merci !