Sans aucune surprise, le mouvement des gilets jaunes se poursuit. Sans aucune surprise, il a survécu au pastiche de consultation publique organisé par le gouvernement, ce gouvernement aux abois mais qui ne s’en rend pas compte parce qu’il n’a toujours pas saisi la gravité de la situation.
Les raisons de la durabilité du mouvement de révolte ne sont d’ailleurs pas seulement à chercher du côté de l’absence d’amélioration de la situation économique des Français. Elles tiennent pour beaucoup au comportement même du président Emmanuel Macron et de son premier ministre Edouard Philippe, tous deux donnant quotidiennement l’impression de considérer le mécontentement populaire comme une tocade que quelques petites déclarations dans les médias bien ciblées suffiront à calmer. Chaque jour qui passe permet en effet de constater l’outrecuidance de ces deux hauts fonctionnaires et le peu d’estime qu’ils nous portent, nous citoyens dont ils sont pourtant censés servir les intérêts.
Sans même forcer le trait, il est particulièrement aisé de déceler dans le comportement de Macron et de Philippe les deux lacunes qui expliquent leur impossibilité à gérer les difficultés actuelles :
- Tous deux commettent des erreurs dignes de politiciens inexpérimentés ;
- Tous deux pensent qu’il leur suffit de parler pour régler les problèmes.
Des erreurs de débutants totaux
N’importe quel dirigeant d’entreprise expérimenté sait combien il ne faut jamais mépriser le personnel car lorsque celui-ci se sent victime d’abus de pouvoir ou d’injustices, son comportement peut déraper de façon dangereuse. La force du nombre, la dynamique des foules sont des données tangibles que tout manager avisé se garde bien de provoquer. Autant il est facile de convaincre une personne isolée, autant persuader un groupe en colère est une autre paire de manches.
Ces quelques rudiments du management découlent pourtant du bon sens. Au pire, ils s’apprennent sur le tas. Sauf que de telles erreurs de débutant se paient très cher lorsqu’elles sont commises au sommet d’un Etat. Ainsi supportons-nous le coût exorbitant de cette fameuse « sélection de l’élite politique » à la française, cette sélection que fustigeait Michel Crozier qui fait qu’un énarque[1], une fois son stage de fin d’étude réalisé dans une préfecture, peut postuler du jour au lendemain à un niveau de responsabilité qui n’a aucun rapport avec son talent et son expérience.
La première des erreurs commises, outre le programme économique gouvernemental totalement inadapté à la situation du pays[2], a consisté en la réduction de la vitesse sur route. On devine derrière cette décision loufoque toute l’incompétence de son auteur, le premier ministre, et du président qui l’a entérinée. On imagine même la rusticité de leur calcul. Sans doute n’avaient-il pas appris à l’ENA que les citoyens ne sont pas corvéables à merci et qu’ils peuvent, le cas échant, se révolter. Sans doute n’avaient-il pas imaginé un seul instant que plus de la moitié des radars du pays puisse être saccagée en guise de représailles.
La seconde erreur a été d’augmenter la pression fiscale d’une majorité de Français, tout en annonçant l’inverse, afin de financer la suppression de l’ISF. Au-delà du mensonge éhonté, naturellement perçu comme une insulte par de nombreux contribuables, c’était mal connaître la mentalité française, cette mentalité facilement encline à la jalousie de plus riche que soi tellement l’idéologie gauchiste l’a imbibée. Où vivent donc nos hauts fonctionnaires pour qu’ils ne semblent même pas connaître leurs concitoyens ?
La troisième bévue est l’inconséquence avec laquelle le gouvernement a réagi face au mouvement des gilets jaunes. Au lieu de rencontrer le peuple, de se montrer à l’écoute et d’afficher un minimum de compréhension et d’humanité, le président s’est empressé de donner en pâture aux Français une pseudo consultation les privant de toute latitude dans l’expression de leurs récriminations. Car derrière ce rideau de fumée plus ou moins opaque, le gouvernement s’est à la fois assuré la maîtrise des domaines ouverts à ladite consultation, les moyens d’empêcher une vraie représentativité statistique de celle-ci, et les moyens de décider lui-même des mesures à mettre en place in fine ! Ainsi, au-delà de cette espèce de kermesse folklorique par émissions télé, sites internet et agora municipales interposés, le peuple français a assisté de facto à la confiscation pure et simple de sa parole et de son libre arbitre !
Bien évidemment, du haut de leur tour d’ivoire de hauts fonctionnaires, tels des débutants dénués du moindre feeling, Macron et Philippe avaient parié que la population ne s’en rendrait pas compte.
Parler, pour contenir le peuple et éviter d’agir
Cela fait des mois que les radars ont été saccagés sur les routes, cela fait des années que le pays souffre du matraquage fiscal, cela fait 22 semaines que le mouvement des gilets jaunes paralyse une partie du pays tous les samedis, mais aucune décision claire et radicale n’a encore été prise à ce jour ! Par contre, Macron et Philippe distillent leurs petites phrases sibyllines comme si celles-ci pouvaient calmer l’insatisfaction de la rue et remplacer les faits : possible abandon de la limitation des 80 km/h par ci, future baisse des impôts sur les petits revenus par là, etc… Paroles, paroles…
Tout cela est d’autant plus hypocrite que la situation économique très mauvaise du pays, tout comme son excès de pression fiscale et sa situation sécuritaire routière tout à fait acceptable[3], sont connues depuis longtemps. Si le gouvernement Macron avait voulu améliorer l’économie française, il n’aurait pas annoncé la réduction de son programme de diminution des dépenses de l’Etat quelques jours après sa prise de pouvoir ! De même qu’il ne feindrait pas de découvrir qu’il y a trop d’impôts alors que l’hexagone est au sommet du hit parade mondial depuis des années. Enfin, il ne raconterait pas se soucier de sauver des vies avec des radars alors qu’il y a 3 fois plus de décès par suicide[4] et que la corrélation entre suicide et chômage a été maintes fois démontrée !
En réalité, ce gouvernement ne fait rien d’important. Il se cantonne à assurer son existence, en administrant simplement l’appauvrissement et le chômage de masse comme si nous étions dans un régime planiste au sein d’un monde stable et non concurrentiel. Par contre, il parle. Il parle pour gagner du temps. Il parle pour endormir les citoyens. Il parle pour continuer de ménager son train de vie.
Face à la crise des gilets jaunes, une crise d’une ampleur rare, le gouvernement Macron n’est visiblement pas à la hauteur. Hélas, au delà des erreurs accumulées depuis le mouvement des gilets jaunes, il ressort implicitement que nous n’avons pas grand-chose à espérer de lui en dehors de la seule stratégie qui le motive : sa survie, le maintien de son train-train planiste et confiscatoire, aux antipodes de toute réforme libérale…
[1] Michel Crozier, chercheur et universitaire, sociologue des organisations, a été également juré de l’ENA. Il avait déclaré : « je n’ai jamais rencontré des étudiants aussi intellectuellement fermés ».
[2] Ce n’est pas l’objet de cet article mais à peu près rien n’a été fait par le gouvernement pour sortir la France du marasme économique. La réforme du travail était une bonne chose mais reste bien étroite, et parfaitement isolée par rapport aux chantiers que la désindustrialisation du pays exigerait !
[3] A peine moins bonne que la moyenne européenne alors que l’Europe est la plus vertueuse de la planète, avec seulement 49 morts/1 000 000 habitants/an en comparaison du reste du monde et ses 174 morts/1 000 000 !
[4] Le taux de suicide français est parmi les plus élevés, et de 27% supérieur à la moyenne européenne !
15 avril 2019 5 h 30 min
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