Les comportements des foules, des gouvernements tout comme des marchés financiers semblent déconnectés du contexte économique et sanitaire actuel. Un rapide retour de balancier n’est pas impossible…
Dans le roman éponyme de Gabriel Garcia-Marquez[1], le héros principal sait qu’il va être assassiné, son entourage est également informé, mais personne ne réagit. Il en est ainsi de la recrudescence de l’épidémie : le ministre de la Santé l’a annoncée, plusieurs spécialistes également. Les chiffres sont connus, publiés chaque jour. Pourtant, presque plus personne ne respecte les gestes barrière.
Le retour du méchant virus
Un peu partout, le nombre de cas est en augmentation (chiffres source Wordometer). En France, le plus bas a été touché le 24 mai, avec à peine plus de 115 nouvelles contaminations dans la journée. C’était il y a près de 2 mois. Depuis, les chiffres ont quadruplé. La propagation du virus s’accélère et génère environ 500 nouveaux cas chaque jour. Presque personne ne semble s’en alarmer…
Encore plus inquiétants sont les chiffres au niveau mondial. Tandis que le nombre de cas est toujours sur une tendance ascensionnelle rapide, le nombre de décès quotidiens qui avait entamé son reflux est reparti à la hausse depuis début juin.
Derrière ces chiffres qui traduisent un décalage de cycle entre continents, se cache un risque que les Etats ne souhaitent surtout pas évoquer : la durée plus longue que prévue de la pandémie, et donc du blocage des frontières et des vols internationaux…
La déclaration du ministre de la santé Olivier Véran ce vendredi 10 juillet n’en est que plus surprenante : « Ce que nous montrons depuis douze semaines, c’est que la France est prête à empêcher une seconde vague. Cela augmente dans beaucoup de pays, y compris des pays proches de nous. Ce n’est pas le cas, à date, en France. Le virus continue d’être maîtrisé »[2].
Certes, le ministre insiste sur le fait que le virus circule toujours et rappelle l’importance des gestes barrière. Mais pourquoi un tel optimisme tandis que le nombre de cas augmente aussi chez nous ? Pourquoi président, premier ministre et ministre de la santé ne martèlent pas tous les soirs à la télévision, aux heures de grande écoute, que la situation nécessite le port du masque et le respect des règles de distanciation ? Pourquoi cela n’est pas rappelé de façon formelle auprès des commerces et des restaurants ?
Une vague de re-confinements à travers le monde
Angleterre, Argentine, Australie, Azerbaïdjan, Chine, Espagne, Etats Unis, Guyane, Inde, Italie, Kazakhstan, Portugal, Russie, Ukraine, la liste[3] est longue des pays à avoir re-confiné des zones de nouveau frappées par la pandémie. Mais là non plus, ni les médias, ni la classe politique ni même la population ne semblent s’alerter outre mesure. Ce sont des mesures locales, et cela n’a donc aucun caractère de gravité…
Des marchés financiers euphoriques, comme si de rien n’était
Le rebond des marchés d’actions a surpris beaucoup de monde par sa rapidité et son ampleur. Environ la moitié du terrain perdu pendant le krach a été regagné, comme si l’effet de la pandémie ne serait que de courte durée. Comme si la date de la fin des hostilités du méchant virus était connue et garantie par ce dernier. Pire encore, si l’on intègre la chute des bénéfices des entreprises à venir, les indices se retrouvent avec un PER[4] encore plus élevé qu’avant le krach.
Idem en France : après avoir perdu près de 50% de sa valeur, le Cac40 est revenu sur ses niveaux de début 2019. Mécaniquement, son PER se trouve donc fortement surévalué en comparaison des bénéfices engrangés ou attendus à cette époque. Sur le site CNN Business, celui-ci ressort aujourd’hui à 27,7[5], ce qui est tout simplement stratosphérique.
Bien sûr, des mesures ont été prises par les Banques Centrales sur les taux d’intérêts et par les gouvernements pour le soutien à la relance. Mais ces mesures n’empêcheront pas les prochains re-confinements. De même qu’elles ne retarderont pas indéfiniment le retour à des considérations plus comptables et raisonnables en matière de cours. Courant juillet, l’annonce des résultats financiers du second trimestre donnera très vite une première indication.
Le calme avant la tempête ?
On pourrait se moquer de l’insouciance des foules qui se fichent des précautions pourtant indispensables tout simplement parce que porter un masque est inconfortable. Cependant, cet irréalisme semble avoir également gagné les gouvernements tout comme les marchés boursiers.
Le niveau de confort atteint par les pays industriels aurait-il fait perdre le sens des réalités ? La diminution des guerres et la meilleure maîtrise des catastrophes auraient-elles fait oublier aux populations leur si fragile condition ? L’individualisme propre aux sociétés développées aurait-il chassé le moindre réflexe de discipline de groupe ? Les prochains mois risquent d’apporter des surprises désagréables.
[1] Chronique d’une mort annoncée
[2] Le Monde le 10/07/20
[3] L’Express 4/07/20
[4] Price Earning Ratio = indice de cherté du cours (cours de l’action / bénéfice attendu par action)
[5] Money/CNN, P/E average, le 10/07/20. Le PER moyen se situe à 15. Il peut atteindre 9 ou 10 à la fin d’un krach, mais un niveau très élevé de PER n’est jamais bon signe longtemps…