02 Sep 2020

LR vendu à la découpe

Category: Non classéLéo @ 17 h 15 min

Alors qu’avec Macron, l’économie, la sécurité et la santé des Français prennent l’eau de toutes parts, l’un des ténors de LR propose de s’allier avec lui pour 2022 ! Christian Estrosi n’est d’ailleurs pas le seul à soutenir l’héritier de Hollande. Que se passe-t-il donc qui justifie de telles postures ?

Donner les clés à un rival politique est un acte de bravoure lorsque ce rival vous est supérieurement efficace pour servir votre pays. A l’inverse, abdiquer devant un homme politique en situation d’échec généralisé apparaît complètement paradoxal. Mais pire encore, ce sont les motifs invoqués par Estrosi qui laissent pantois :

« Pour ne pas gâcher tous les talents de la droite, passons un accord avec Emmanuel Macron pour qu’il soit notre candidat commun à la présidentielle et que ceux-ci puissent participer au redressement de notre pays », lance-t-il (France Info 31/08/20). Plus cruel encore : « Il existe beaucoup de talents chez nous mais, soyons honnêtes, aucun d’entre nous ne s’impose pour concourir à la présidentielle ».

« Bien évidemment, il y a des conditions et cela doit se faire sur la base d’un projet commun » rajoute-t-il pour faire bonne mesure. Sauf que ces conditions invoquées, lorsqu’il les détaille, se résument au seul domaine sécuritaire : « agir avec force pour établir l’autorité et l’ordre » ! Tout juste fait-il une allusion à la décentralisation nécessaire de la santé dans son interview (Le Figaro 1/09/20) mais rien de plus. On croit rêver.

Le maire LR de Nice[1] s’intéresse-t-il à l’économie ? Sait-t-il qu’avec Macron, la France qui truste la première place de l’OCDE en matière de prélèvements obligatoires voit ceux-ci poursuivre leur infernale progression ? Sait-t-il que malgré cette hausse des taxes, les chiffres du chômage, de la croissance et de la dette sont systématiquement moins bons que la moyenne européenne ? Sait-t-il que la gestion crapoteuse de la pandémie a fait de la France l’un des pays les plus endeuillés au monde[2] ? Il est évident que les difficultés de l’hexagone sont très loin de se résumer à l’insécurité.

Parce qu’incompréhensibles, totalement déconnectées de la réalité, on se doute qu’il existe derrière ces justifications des motifs autrement plus importants, parmi lesquels il est aisé de deviner :

  • une personnalisation historique du pouvoir politique
  • une irrésistible dépendance aux idées de gauche
  • un désintérêt pour les réalités et les solutions qu’elles requièrent
  • des calculs claniques et personnels récurrents.

Personnalisation historique du pouvoir politique

Avec Balladur, Chirac puis Sarkozy, la droite républicaine a certainement pris l’habitude de se laisser guider par un leader naturel. Aujourd’hui, en l’absence d’un tel rassembleur qui porte l’identité du parti, LR semble incapable de s’adapter.

Pourtant, deux ans avant l’échéance de la présidentielle, cette absence n’a vraiment rien de catastrophique. Ceci pour deux raisons évidentes :

-personne n’aurait prédit la victoire de Macron en 2017, véritable concours de circonstances, ne serait-ce que trois mois plus tôt ! Ni même celle de Hollande ! En réalité, les évènements combinés aux attentes des électeurs font très vite émerger l’homme ou la femme de la situation. Encore faut-il effectivement que celui-ci ou celle-ci ait la possibilité de se faire entendre…

-la dégradation de la situation économique et sociale s’est considérablement accélérée depuis les politiques socialistes laxistes et délétères de Hollande et de son héritier Macron[3]. Les Français sont peu nombreux à connaître l’état économique réel de l’hexagone mais tous ressentent concrètement la façon dont le déclin se matérialise chaque jour. Dans un pays qui a besoin d’une libéralisation rapide de son économie et d’une réconciliation autour de ses valeurs sociétales[4], la droite républicaine semble politiquement bien placée pour élaborer le programme ad-hoc et le valoriser auprès de ses électeurs[5]. Encore faut-il concevoir ledit programme, et faire confiance en l’intelligence de ces derniers…

Irrésistible dépendance aux idées de gauche

Les aveux anti-libéraux de Chirac remontent à loin mais n’étaient pas une tocade. Répétés, et parfaitement clarifiés, ils ne font aucun doute quant à la conviction profonde de l’ancien président : « Je suis convaincu que le libéralisme est voué au même échec que le communisme, et qu’il conduira aux mêmes excès. L’un comme l’autre sont des perversions de la pensée humaine »[6].

Plus récemment, le revirement d’Alain Madelin, ardant défenseur du programme flou de Macron à la présidentielle et fervent critique de celui libéral de Fillon, prouve combien, sur la dimension économique, la droite républicaine s’est peu à peu rangée derrière l’idéologie dominante.

Juppé ne s’était pas privé non plus d’émettre des doutes sur les propositions de réformes libérales du candidat Fillon. N’avait-il pas perdu la primaire de la droite pour avoir sauté les étapes et préparé une stratégie de reconquête des électeurs de gauche au second tour de la présidentielle ? Piètre consolation, de nombreux électeurs socialistes s’étaient déplacés à cette primaire pour voter Juppé, unique candidat fréquentable à droite pour les belles âmes de gauche.

Au moins, l’ancien maire de Bordeaux a fait preuve de cohérence en ne renouvelant pas son adhésion aux Républicains. Tandis que c’est de l’intérieur même du parti que Sarkozy a distillé dans les médias une splendide bienveillance à l’égard de Macron fin 2017 (Le Point 30/10/17), pris sa défense contre les gilets jaunes l’année suivante (Orange Info 19/12/18), et s’est même affiché plusieurs fois avec lui. C’est encore Sarkozy qui aurait convaincu Macron de recruter Jean Castex, l’un de ses proches, comme premier ministre (Challenges 3/07/20), fonction pourtant en charge d’exécuter le dirigisme étatique croissant de l’actuel président. Et accessoirement, de lui servir de nouveau fusible en cas de nouvel échec ! A cela s’ajoute les propos tenus par d’anciens conseillers de Sarkozy, tels qu’Emmanuelle Mignon, Frédéric Lefebvre…

Désintérêt pour les réalités et les solutions qu’elles requièrent

Combien de partis d’opposition rêveraient d’une situation aussi propice à un renversement de majorité lors de la prochaine présidentielle ? Que faudrait-il de plus en effet qu’un bilan catastrophique d’un président sortant abhorré ? C’est pourtant la situation actuelle qui s’offre à la droite républicaine, et qui lui fournit une occasion historique de casser tout espoir de réélection du président Macron.

Certes, l’individu est un orateur particulièrement roué, un acteur de première catégorie. Mais l’insécurité, la mortalité pandémique et les mensonges qui l’accompagnent, le chômage, l’accroissement des prélèvements obligatoires, les provocations vis-à-vis de la France séculaire, les gaspillages budgétaires ostentatoires, tout cela a un prix que n’importe quel parti d’opposition se débrouillerait d’exploiter jusqu’à plus soif. Visiblement pas LR qui, à l’exception de certains caciques encore réveillés comme Woerth, Jacob et Retailleau, se garde bien de critiquer quoi que ce soit !

Calculs claniques et personnels récurrents

La facilité avec laquelle il est possible de dresser une cartographie des alliances de personnes à l’intérieur de LR fournit la preuve irréfutable de l’existence de véritables clans. Ces clans sont d’ailleurs cimentés par des relations interpersonnelles qui durent bien au-delà des changements de premier secrétaire ou de logo.

Il existe autour de Chirac toute une constellation d’individus qui eux-mêmes ont généré des sous constellations dont on perçoit encore, d’échéance en échéance, la solidité. Ce clanisme qui aujourd’hui s’étend jusqu’à la gauche (mais surtout pas au RN), s’est développé au mépris des urgences du pays. Il se nourrit bien évidemment des intérêts personnels des ex-leaders au pouvoir symbolique encore important. Ce clanisme est même capable de saborder son propre camp, en atteste les belles peaux de bananes glissées pendant les déboires du candidat Fillon.

A moins d’un sursaut, dans cette histoire, le grand perdant sera la France, dont l’une des formations politiques majeures préfère se saborder plutôt que de tirer parti du chaos généré par le camp qu’elle devrait considérer comme adverse mais qu’elle ne cesse de courtiser !

 

[1] et président de l’agglomération Nice-Côte d’Azur

[2] 13ème à ce jour en nombre de morts par millions d’habitants, avec plus de 4 fois plus de morts que les Allemands pour ne citer qu’eux. Selon le professeur Perronne, 25 000 morts auraient pu être évités si une campagne de prévention avait été mise en place (dépistage, isolation des porteurs, soins immédiats, port du masque)

[3] Les politiques de Chirac et de Sarkozy (sur la seconde partie de son mandat) étaient elles aussi d’essence socialiste, et la dégradation était déjà bien engagée. Mais le bilan d’Hollande, comparativement au reste de l’Europe, constitue un échec remarquable dont de nombreux Français ne sont pas conscients

[4] Libérer les forces vives de la pression fiscale et du carcan réglementaire d’un côté, redonner confiance aux citoyens dans un pays qui cesse d’accepter l’insécurité et les atteintes à ses origines culturelles, de l’autre, telle semble la clé dont le pays a besoin

[5] C’est simple : le libéralisme économique est détesté à gauche et encore plus à l’extrême gauche. Quant à l’extrême droite, elle s’assimile à l’extrême gauche sur ce plan là

[6] Cf. livre de Pierre Péan notamment

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