Tout homme politique respectueux de la démocratie sait combien il lui est impératif de séparer l’exercice du pouvoir de ses intérêts personnels. Il sait également combien il doit s’attacher à ce que son indépendance ne soit jamais prise en défaut. Le temps des monarchies de droit divin est en effet révolu. Pas un seul homme politique avisé ne se risquerait à un retour à l’absolutisme. Surtout dans une démocratie, système par définition fragile, système qui exige une exemplarité de tous les instants.
Il semble cependant que ces considérations éthiques n’étouffent pas spécialement le président Macron. La récente immixtion de son épouse dans les affaires gouvernementales, en matière de crise pandémique qui plus est, nous rappelle une nouvelle fois combien l’hôte actuel de l’Elysée paraît avoir fait sienne cette fameuse formule « L’Etat, c’est moi » :
L’étrange affaire Benalla et consorts
Recruté par l’Elysée sans que le Ministre de l’Intérieur en soit informé (dixit Gérard Colomb lui-même), Alexandre Benalla est un proche du couple présidentiel qu’il accompagne « sur des déplacements publics, mais aussi lors d’escapades privées, comme une balade à vélo lors d’un week-end au Touquet ou juste après Noël pour des vacances au ski à La Mongie » (France Info 20/07/18).
Bien après avoir été pris en flagrant délit de bastonnade et d’usurpation du statut de policier, bien après avoir été finalement licencié, Benalla continuera de servir l’Elysée pour des missions diplomatiques. Et c’est l’un de ses amis personnels, Christian Guédon, qui sera recruté de façon dérogatoire pour le remplacer, sur ses propres recommandations (Médiapart/L’Express 22/03/19).
Cette succession d’agissements administrativement impossibles et moralement douteux confirme s’il en est besoin la prééminence des considérations relationnelles et privées sur le respect des procédures officielles. Ce qui, de la part du président lui-même, au plus haut niveau de l’Etat donc, constitue un sacré pied de nez à la démocratie et aux exigences minimales d’un Etat de droit.
Après le cercle des proches, la belle-fille du président
Qui n’a pas été choqué par la façon dont le Grand Débat instauré suite à la révolte sociale des Gilets Jaunes, et présenté comme une grande consultation publique, a été détourné de sa fonction et préempté par le gouvernement ? Entravé sur le fond, du fait de la limitation des sujets abordés, le Grand Débat s’est même vu dénaturé sur la forme par la participation contre nature du président lui-même ! Que Macron ait osé intervenir intuitu personae dans l’animation des réunions censées donner la parole au peuple est tout simplement grotesque.
Ce mépris des mécanismes d’expression populaire s’est épanché à l’identique lorsque le président s’est permis d’impliquer sa belle-fille dans le dispositif d’animation d’un débat, celui de Saint Josse sur Mer. Peu importe que Tiphaine Auzière ait été payée ou pas pour cette prestation, elle dément d’ailleurs l’avoir été, son intervention était parfaitement illégitime.
Ni le président, ni sa belle-fille ne sont bien évidemment indépendants et donc d’une quelconque légitimité pour représenter le peuple, encore moins pour l’aider à s’exprimer dans un processus qui s’avère cadenassé de toutes parts. Que ce Grand Débat ait accouché d’une Convention pour le climat qui n’a rien à voir, et dont les recommandations sont en opposition diamétrale avec les récriminations des Gilets Jaunes, signe la complète réussite de la manœuvre. Tel un monarque absolu, le président Macron s’est adjugé, à lui-même et à un membre de sa famille, le droit de parler à la place du peuple.
Et maintenant son épouse
Nouveau coup dur pour le respect du mécanisme démocratique, ne serait-ce que dans son apparence, Brigitte Macron déballe le 25 janvier sur les ondes tout le bien qu’elle pense de son mari et son efficacité en tant que président : « Il ne baisse jamais les bras, il travaille, il trouve des solutions » (RTL 25/01/21). Quelques minutes plus tard, elle laisse supposer un « troisième confinement » et s’affiche particulièrement inquiète pour les prochains mois de la pandémie.
Impossible de ne pas voir la main du président utilisant son épouse, non élue, pour préparer les mentalités à une troisième déception. On imagine sans forcer l’hôte de l’Elysée profiter de la personnalité plutôt sympathique de la première dame pour l’aider à faire passer des décisions de plus en plus controversées.
La France, des libertés qui peu à peu s’amenuisent
Les atteintes à la liberté sont légion depuis le gouvernement Macron. Que ces atteintes soient dirigées contre l’indépendance des médias, contre la vitesse des voitures, qu’elles soient justifiées par l’insécurité, par la tentation de régenter Internet ou par la situation sanitaire pandémique, force est de constater que le mandat du président actuel arbore une coloration toute particulière.
Mais ce qui est frappant dans les cas ici traités, c’est cette touche de népotisme derrière l’absence de scrupule d’un président qui semble s’être approprié le pouvoir à la façon d’un souverain ou d’un gouverneur de république bananière. Oser en effet interférer dans ce que le processus démocratique a de plus sacré, que ce soit directement ou par le biais de proches et de membres de sa famille constitue une véritable atteinte au symbole même de la démocratie.
29 janvier 2021 22 h 12 min
« …Est-ce par absence de culture humaniste, par absence de compassion pour le peuple, ou par un pur autoritarisme assumé ? Nous ne le saurons probablement jamais… »
…Ou peut-être pour le savoir faut-il essayer de pénétrer la psychologie particulièrement tordue de l’individu dont vous parlez. Le document le plus probant que j’ai pu trouver à ce jour est une thèse de psychologie de Gérard OUIMET sur les leaders narcissiques organisationnels. Le document épais et technique contient un schéma intéressant : pages 84 (p 102 du PDF) où sont résumées les caractéristiques de ce type de personnes.
Influence intéressée Satisfaction de ses propres besoins Préoccupation exclusive pour l’agrandissement de son « moi »
Motivation fallacieuse Vision chimérique du futur Présentation d’un projet d’avenir à la fois téméraire, spectaculaire et utopique
Inhibition intellectuelle Intolérance à la critique Recherche exclusive de la validation de ses positions
Considération simulée Manipulation et exploitation des autres Gestion machiavélique des membres du personnel.
L’éminence universitaire conclut son chapitre par ces mots :
« Au terme de la présente analyse comparative, il sied de reconnaître que les apparences puissent se révéler bien souvent trompeuses en matière de leadership organisationnel. De plus, la synthèse des travaux empiriques colligés nous informe que confondre le leadership transformationnel et le leadership narcissique s’avère nettement susceptible d’engendrer de funestes conséquences tant pour les organisations que pour leurs membres. Les ostensibles qualités enjôleuses du leader narcissique camouflent une dynamique psychologique à maints égards socialement dysfonctionnelle. L’engouement collectif suscité par l’étalage d’une saisissante prestance de la part du leader narcissique fait rapidement place à la dérive organisationnelle et à la souffrance humaine. Aussi, le choix judicieux d’un leader se doit d’aller au-delà du superficiel vernis maquillant de profonds défauts structuraux. À cet effet, certaines constatations émanant de la psychologie clinique et de la psychiatrie peuvent, lorsque utilisées avec prudence et discernement, se révéler fort utiles. Bien que n’ayant pas encore fait l’objet de vérifications empiriques, celles-ci portent sur les manifestations symptomatiques échappant au contrôle de la personne affichant le trouble de la personnalité narcissique. Ces manifestations sont : l’infatuation (l’utilisation excessive du pronom personnel « Je »); l’aménité de façade (amabilité cristallisée manquant de spontanéité); la grandiloquence (déclamation et gestualité théâtrale); et l’auto-contact corporel … »
https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/10537
31 janvier 2021 14 h 04 min
Intéressant votre message. Personnellement, je pense que le Président est effectivement perturbé et que cela bien évidemment nuit à son efficacité. Les chiffres économiques, les conflits dans la rue, les attentats et incivilités en hausse, le nombre de morts du covid par million d’habitant comparativement au reste du monde, tous ces éléments vont dans le même sens et montrent l’échec de son mandat !
30 janvier 2021 18 h 39 min
[…] l’utopie, aujourd’hui, n’est-il pas de croire encore en l’État (Macron : l’État c’est moi !) et en le capitalisme […]
31 janvier 2021 14 h 01 min
Article commandé et publié par Contrepoints : Tiens un article qui peut te plaire : https://www.contrepoints.org/2021/01/31/389961-emmanuel-macron-letat-cest-moi