Ce qui se passe en méditerranée est grave. Car au-delà du drame humanitaire (il est inacceptable de laisser périr des gens en mer d’où qu’ils viennent), pointe une série de problèmes inextricables dont le premier visible, immédiat, douloureux, est celui-ci : l’Italie toute seule n’a pas la capacité d’absorber des milliers de migrants qui débarquent sur ses côtes.
Le phénomène rencontré par l’Italie commence d’ailleurs à ressembler à la volumétrie décrite par J.Raspail dans « Le camp des saints », lorsque des hordes en guenilles réparties sur des centaines de gros bateaux accostent en Provence pour trouver refuge. Ce livre prémonitoire, et qui a fait scandale en France à sa sortie (mais qui avait été remarqué aux USA), nous interpelle d’ailleurs méchamment. Car nous ne pourrons pas nous cacher longtemps derrière l’Italie. Ne sommes-nous pas ses voisins ? Ne sommes-nous pas à l’abri d’une déviation des routes maritimes de l’exode africain ? La Provence est-elle si éloignée ? En tant que nation européenne, ne devons-nous pas nous montrer solidaires?
Mais le problème est bien plus épineux encore. L’Europe est-elle en effet capable d’assimiler autant de migrants dont la plupart n’a pas d’instruction et ne parle pas une langue européenne ? Surtout, en a-t-elle besoin ? Enfin, et cette question est tout à fait légitime, en a-t-elle envie ?
Quand on considère le nombre de migrants (on commence à parler de millions à venir), ces interrogations devraient être débattues. Elles pourraient même faire l’objet d’une consultation des peuples concernés. Or ces questions de fond ne sont presque jamais abordées. Pourquoi ? Parce qu’elles sont taboues.
Il y a quelques jours, sur une chaîne de télévision internationale française, au sujet de l’éventuel partage des quotas d’immigrants entre pays européens, le présentateur du journal a déclaré que « les gouvernements britannique et français ne sont pas très chauds, en particulier le gouvernement français qui a peur que l’accroissement du nombre des immigrés ne fasse monter les partis extrémistes ».
Cette phrase est typiquement révélatrice de l’impossibilité actuelle de nommer le problème. A savoir que la pertinence d’accueillir encore et toujours de nouveaux immigrés chez nous n’est pas un sujet à évoquer. D’ailleurs, il va de soi qu’une trop forte concentration d’immigrés n’est pas une difficulté, et ne le sera jamais, puisque, c’est bien connu, notre capacité à recueillir toute la misère du monde est infinie. Ce qui n’est pas acceptable, par contre, ne nous y trompons pas, c’est de donner des voix aux partis extrémistes !
Derrière cette appellation (qui cache mal le Front National) se dissimule toute l’horreur des affreux citoyens que nous pourrions devenir si nous laissions exprimer les mauvaises pensées qui nous habitent en votant pour les Partis extrémistes. Au passage, on stigmatise en un tour de main ces partis extrémistes comme étant la cause et la conséquence de nos mauvaises pensées. Ce qui évite bien sûr de se poser les questions qui font mal, celles dont on subodore que les réponses qu’elles suscitent se montrent en désaccord avec l’image angélique que l’on veut avoir de soi. Puisque la morale officielle nous dit chaque jour, par journalistes interposés, que « l’immigration est une chance pour notre pays », toute évocation d’une simple nuance dans l’exactitude de ce postulat est systématiquement associée aux partis extrémistes, eux-mêmes symboles de nos mauvaises pulsions.
Et pourtant, il suffit de compter chez nous le pourcentage de chômeurs ou de repris de justice qui sont d’origine africaine ou maghrébine, pour se douter de quelque chose. Certes, la morale nous a dicté un postulat qui est magnifique, et parfaitement dans la tradition judéo-chrétienne. Mais ce que la morale ne veut pas voir, c’est que ce postulat n’est pas linéaire et infini. Il est même fragile. Il ne fonctionne que dans certaines conditions, lorsqu’il y a une tendance vers le plein emploi, lorsque la croissance économique est dynamique, et lorsque les différences culturelles sont surmontables et qu’il y a surtout le souhait de les surmonter. En d’autres termes, avec les difficultés qui sont déjà les siennes à assimiler une part de plus en plus importante de ses populations immigrées pourtant historiques, en proie au chômage de masse et à la délinquance qui en résulte, la France ne se trouve pas au mieux de sa forme pour recevoir de nouvelles vagues de migrants sans métier, ni pratique de la langue.
Il est surprenant de voir combien des média internationaux (américains, arabes) décrivent la France comme un pays en cours d’islamisation. Pour nous, le problème n’existe pas. Le sujet sent d’ailleurs très mauvais. S’il se trouve un peu plus souvent abordé depuis quelques mois, c’est seulement parce que des gens comme E.Zemmour et M.Houellebecq l’ont imposé aux forceps, avec toute la provocation et la rugosité qui les habite, en dépit du tir de barrage des média. Mais il ne fait toujours pas bon d’en parler. Pourtant, parmi les pays riches et éduqués, réputés même pour une meilleure transparence démocratique que le notre, nombreux sont ceux qui procèdent à de véritables sélections de leur immigrés sur des critères dignes des recrutements en entreprise : diplôme, niveau de langage, capacité à s’assimiler (USA, Canada, Australie…).
En France, ce problème (qui est d’ailleurs également celui de l’Europe) n’est jamais abordé en termes francs et clairs. Les hommes politiques, hélas parfaitement épaulés par la plupart des média, continuent de nier les difficultés et de jouer la montre. Le récent sommet européen est un parfait exemple de langue de bois, de manque de courage et de fait, d’impuissance.
Deux phénomènes ont pourtant remis les problèmes de l’immigration au centre de notre vie : les attentats, et la vague de migrants en méditerranée. Pourquoi ces problèmes continuent-ils d’être traités de biais, avec un évitement pudiquement correct, et ce indépendamment de la volonté des citoyens ? Ne serait-il pas temps d’instaurer un vrai débat, et pourquoi pas un référendum comme il en existe régulièrement en Suisse pour les décisions importantes qui touchent à la vie de la cité ? Faudra t-il attendre que ledit parti extrémiste soit majoritaire et renverse la classe politique ? Sommes-nous des citoyens embarqués sur un bateau que personne ne dirige ?