Comme toute période aux enjeux importants, la campagne présidentielle actuelle constitue un puissant révélateur de l’état psychologique de l’hexagone. Alors que son PIB/habitant, sa liberté de la presse ou le niveau de son enseignement reculent régulièrement dans les comparatifs internationaux, que ses parts de marché industrielles ont fondu de moitié en 20 ans, que le chômage de masse s’installe, que la grande pauvreté et la précarité progressent, que la pression fiscale étrangle son système productif, que la rentabilité de ses entreprises est inférieure à celle de nos voisins, que sa justice est en crise, que la sécurité de son territoire est bafouée, que constate t-on ?
-Que la campagne semble se dérouler à l’écart des problèmes du pays, comme si celui-ci était sous l’emprise des stupéfiants !
-Que le traitement médiatique de cette campagne se borne au plan émotionnel quand ce n’est pas celui de l’hystérie !
-Que la plupart des programmes des candidats sont aussi mensongers que dangereux !
Une campagne psychédélique
Quand on connait la litanie des difficultés économiques et sociales que la France doit affronter pour enrayer son recul (cf. les nombreux articles chiffrés publiés ici), on ne peut qu’être sidéré par la faible place que cette campagne présidentielle y consacre. A l’exception du programme du candidat LR, l’essentiel se déroule sur un autre plan, quasiment onirique : celui du revenu universel, de la protection et du confort des citoyens…
Tandis que la guerre économique fait rage au dehors, bizarrement, on devise sur le progrès social, on s’en gargarise, on le brandit comme un étendard moderniste. Ne rions pas : il s’agit de dépénaliser le cannabis, d’anticiper la « raréfaction du travail », de taxer les robots, de travailler moins, de lisser les inégalités, de modifier tel ou tel transfert social pour financer tel ou tel besoin de protection, d’assurer un « revenu décent » pour chacun, de rembourser les lunettes ou les prothèses dentaires, etc… Alors que le pays accuse un grave déficit de compétitivité économique, les programmes des candidats du Front de gauche, du Parti Socialiste, de En marche et du Front National font donc comme si de rien n’était. Ainsi affichent-ils des mesures de nature à transformer le lent mais régulier recul de l’hexagone en un splendide plongeon suicidaire…
Si nous étions seuls, et à condition d’ailleurs que les actifs et les riches se satisfassent d’en faire toujours plus pour un nombre d’assistés qui ne cesse de croître, et à condition également que la majorité des gens acceptent une baisse de leur niveau de vie matériel, pourquoi pas ? Mais faut-il le rappeler, notre pays ne représente que 1% de la population et plus que 3,5% de la production mondiale (il était à 7% il y a 20 ans ; l’Allemagne qui était au même niveau se dirige maintenant vers les 10%). Surtout, le fait qu’il représente le chiffre délirant de 15% des transferts sociaux de la planète ne semble toujours pas l’inquiéter… Pourquoi la question consistant à savoir comment l’hexagone va pouvoir continuer de vivre (à crédit) dans un tel luxe n’est-elle pas le leitmotiv quotidien voire le fil conducteur de la présidentielle ? Pourquoi cette interrogation cruciale n’a-t-elle pas cannibalisé les rédactions de l’ensemble des médias ? Les électeurs sont-ils méprisables à ce point?
Avouons-le : en tournant le dos à un contexte mondial de plus en plus concurrentiel, cette campagne présidentielle ignore notre déclassement et plane dans un surréalisme tout simplement stratosphérique.
Des médias émotionnels quand ils ne sont pas hystériques
Il serait comique si ce n’était gravissime de voir à quel point les débats télévisés de la primaire de la gauche ont été animés par des journalistes totalement liquéfiés. A aucun moment, ceux-ci ont ramené les échanges sur l’essentiel. Au contraire, ces journalistes ont idéalement pris la forme du contenant qui leur était proposé par les candidats du PS, le but étant de faire mousser ceux-ci à coup de promesses mirobolantes et infantiles. Si le terme démocratie signifie le respect des citoyens, alors cette espèce de concours de pères Noël sous le haut patronage des médias d’Etat sent bien évidemment très mauvais.
A l’inverse, les « révélations » du Canard concernant le salaire de l’épouse de F.Fillon en tant qu’attachée parlementaire de son mari auront déclenché un torrent de boue d’autant plus délirant que les médias se sont parfaitement abstenus d’analyser cette information. Certes, ces habitudes assez répandues à l’Assemblée Nationale voire au Sénat ne sont pas de la meilleure transparence et ne passeraient pas sous les fourches caudines des normes internationales de la gouvernance sans des aménagements quant à leur encadrement. Mais tant qu’il ne s’agit pas « d’emplois fictifs », ces pratiques ne sont pas illégales. Il n’y a donc aucune raison de se dresser contre le candidat LR quelques semaines avant les élections et de ne pas citer l’ensemble des bénéficiaires de ces mesures par ailleurs. Existerait-il deux poids deux mesures ? D’un côté une myopie conciliante pour tout ce que fait la gauche, et de l’autre une haine illimitée pour ostraciser ses adversaires à la moindre occasion ? Est-ce pour cela que les réactions soulevées par les bizarreries du comptage du nombre des électeurs du premier tour de la primaire du PS se sont avérées très contenues ?
En réalité, la plupart des médias français, dont on connaît le tropisme gauchisant (74% des journalistes ont voté Hollande), semblent avoir abandonné leur noble vocation consistant à analyser, décortiquer, rendre intelligible les faits de façon objective, pour sombrer dans un double militantisme : celui de l’antilibéralisme et celui du relativisme :
-L’antilibéralisme tire sur tout ce qui n’est pas altermondialiste, pro-décroissance ou socialiste. C’est pavlovien, c’est maladif, et c’est même valorisant pour les éditorialistes car cela leur permet d’afficher clairement et à peu de frais leur appartenance au camp du Bien, camp ultra majoritaire en France ;
-Le relativisme est le résultat de la prépondérance des instincts sur la réflexion, de la réaction épidermique sur l’analyse, de l’émotion sur la raison. C’est la pente classique de la régression mentale, du retour au stade infantile et primaire, aux croyances syncrétiques, au mépris du réel, au reflux de l’esprit critique… Qualifier cela de « post-vérité » comme le font certains analystes paraît presque flatteur car ce travers n’est en rien moderne… Plus inquiétant par contre est le fait que ce relativisme appartient lui aussi au camp du Bien. Tout ce qui permet de dézinguer le système de valeur hiérarchisé est le bienvenu. Il est maintenant interdit de stigmatiser l’ignorance, l’échec, l’infériorité…
Ainsi, s’adonnant à ces deux travers toxiques, la plupart des médias n’ont même pas le courage et la compétence pour alerter les français de la dangerosité des programmes proposés. A l’exception du danger de « violence thatchérienne » des propositions qualifiées « d’ultra-libérales » du candidat F.Fillon, c’est une ébouriffante omerta, un silence de plomb derrière lequel se cache un impensé aussi solide que du béton armé. Personne en effet ne se moque des propositions quasi communistes de J.L.Mélenchon, de M.LePen ou de B.Hamon ! Très peu de journalistes s’esclaffent devant cet incroyable défilé de pères Noël, véritable concours de générosité au frais des générations à venir.
Des programmes dangereux et mensongers
Il existe deux types de mensonges : par omission ou par falsification. Il serait sans doute injuste de positionner tous les candidats du Front de gauche, du Parti Socialiste, de En marche et du Front National dans le même panier. E.Macron n’est certes pas très disert sur son programme, ce qui le cantonne (pour le moment ?) au mensonge par omission. Il en est de même pour E.Valls qui ne s’éternise pas sur les problèmes économiques (au moins a t-il eu le courage de parler d’insécurité).
Mais que dire des candidats qui proposent de fermer les frontières, de sortir de l’euro, de passer aux 32 heures, de préparer le revenu universel, d’anticiper sur la « fin du travail », de nationaliser les canards boiteux, de réserver les marchés publics aux entreprises françaises, etc… et qui à aucun moment n’avertissent du coût à payer pour de tels délires, ni des moyens nécessaires pour restaurer nos finances malades et notre compétitivité en berne ? Ces candidats-là cumulent la falsification et l’omission, pour la plus grande tromperie des électeurs d’une démocratie soi-disant avancée.
Encore quelques semaines avant les élections
Les problèmes économiques et sociaux de la France sont sérieux. Nous approchons d’une élection (mai 2017) dont l’issue peut être le retour du Réel et d’un véritable espoir d’enrayer notre déclin. Interrompre cette vague imbuvable de mensonges et de postures émotionnelles serait la meilleure chose qui puisse se produire. Mettons donc à profit cette courte période qui nous sépare de l’élection pour éclairer notre entourage de ces impostures et combattre les délires politico-médiatiques actuels.
29 janvier 2017 10 h 28 min
Juste pour dire que personne ne reproche à Fillon d’avoir embauché sa femme comme attaché parlementaire, tous les médias ont expliqué que ce n’est pas illégal, et que d’autres parlementaires le font. Ce qui est reproché au candidat LR est d’avoir payé son épouse alors qu’elle n’aurait pas effectivement travaillé dans cet emploi.
29 janvier 2017 11 h 27 min
Oui, mais cette attaque ne lui serait pas adressée si Fillon n’était pas candidat libéral de droite bien placé pour la présidentielle. Il semble bien évidemment plus que probable que l’épouse de Fillon produisait un vrai travail. de la part d’un juriste chrétien, ce serait même étonnant. C’est au candidat de se défendre, et pour le moment, il bénéficie de la présomption d’innocence. Et n’oublions pas que des dizaines de cas similaires existent, et pourraient subir les mêmes accusations de travail fictif. Or, cela ne s’est produit que pour Fillon… L’objectif de cette attaque n’est certainement pas d’améliorer la transparence des pratiques à l’Assemblée…