Depuis le début de son mandat, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de saper la confiance populaire dont il avait été au départ crédité. Le bon sens aurait pourtant voulu que, conscient de l’aspect un peu artificiel de son élection[1], il s’applique à préserver cette confiance afin de faciliter son travail de président. Mais c’est l’inverse qui s’est produit, comme si l’individu, grisé par la victoire, en avait oublié les exigences de cette tâche ô combien difficile de chef d’Etat.
Ces fautes s’avèrent d’autant plus préjudiciables qu’elles se réfèrent au domaine si délicat du symbolique et de l’affectif. On sait en effet combien ces dimensions sont déterminantes dans la construction de la relation qui lie un président à ses administrés.
Ces fautes peuvent être répertoriées en cinq catégories :
-atteintes à la liberté des citoyens
-opacité des mesures gouvernementales
-négation du processus démocratique
-déconsidération des « petites gens »
-mépris de l’habitus des Français
Atteintes à la liberté des citoyens
Les chiens ne font pas des chats. De même que les énarques inspecteurs des finances et socialistes de surcroît ne font pas des réformateurs libéraux. Ceci étant dit, la rapidité et la constance avec lesquelles Macron a porté des coups décisifs à la liberté des personnes est assez symptomatique :
Liberté d’accès à l’information sous contrôle : tout a commencé en mai 2017, dès le premier mois de son élection, par sa volonté affichée de sélectionner les médias en charge de couvrir ses déplacements et son actualité ! Ce geste typique des apprentis dictateurs a naturellement déclenché des réactions de protestation de la part d’une quinzaine de sociétés de journalistes dont Reporters sans frontières (RSF). Mais le ton était donné.
Liberté de circulation monnayée : non seulement la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes à double sens paraît anachronique, mais elle a été présentée comme une œuvre de bienfaisance dans le but de sauver des vies, de façon parfaitement désintéressée donc. Ce qui n’a pas empêché l’Etat d’expérimenter en parallèle à cette décision la mise en place, via une société privée, d’une flotte de 440 véhicules équipés de radars, véritables « miradors mobiles »[2] ! Tandis que le suicide, très développé en France, notamment pour des raisons de précarité, représente trois fois plus de morts que sur la route. La sanction n’a pas tardé, avec des mouvements massifs de motards et d’automobilistes puis le saccage de près de la moitié des radars fixes du territoire. Ceci étant dit, en se défaussant sur les départements pour un retrait plus ou moins flou de la mesure, le gouvernement s’entête en redoublant d’hypocrisie.
Opacité des mesures gouvernementales
L’absence de transparence est une constante du gouvernement Macron. Sans doute induite par la crainte des réactions populaires sur fond de mépris des citoyens, cette stratégie des coups tordus et des tentatives de manipulation n’est pourtant pas passée inaperçue :
Fausse diminution des impôts : Hollande avait menti en parlant de ses chiffres du chômage[3] puis en les rapprochant de façon biaisée avec ceux de son prédécesseur. Mais ce n’était rien en comparaison du scandale de la fausse baisse des impôts. Promettre une diminution générale tout en augmentant la pression fiscale déjà record de notre pays afin de financer notamment la suppression de l’ISF est une escroquerie. Il ne manquait plus que la taxe de la soi-disant transition écologique sur les carburants pour mettre le feu aux poudres. Un tel toupet cynique se paie cash depuis plus d’un an, avec entre autres le puissant mouvement des Gilets jaunes.
Obscure réforme des retraites : avec seulement 1,3 actif cotisant pour financer 1 retraité (INSEE 2019), la situation est devenue dramatique. Les raisons de ce ratio alarmant sont pourtant connues : au vieillissement naturel de la population dû à l’accroissement de l’espérance de vie s’ajoute un solide déclin de l’économie française[4] qui fait que le chômage ne se résorbe pas et que la proportion d’inactifs au sein de la société ne cesse de croître. Or, au lieu de faire le pari de la maturité du peuple français, quitte à engager un exercice de pédagogie certes risqué mais édifiant, au lieu donc de jouer cartes sur table[5], Macron a une fois de plus opté pour les faux semblants. Là encore, le résultat est dans la rue, du fait d’un manque total de confiance et de visibilité des Français sur ce sujet si délicat.
Négation du processus démocratique
Le grand débat aura au moins révélé la nature des motivations du président. D’ailleurs, le traitement des mouvements sociaux n’a pas non plus échappé à ce déterminisme socialiste qui se caractérise par une tolérance infinie vis-à-vis des manifestants professionnels d’extrême gauche, et une rigidité toute militaire vis-à-vis des autres :
Le grand débat, une kermesse préemptée par le chef de l’Etat : accaparer personnellement ce qui aurait pu devenir un grand moment d’écoute populaire, le détourner à ce point en imposant les thèmes, en animant lui-même (et avec la fille de sa femme !) des débats municipaux puis en assurant leur dépouillement loin de toute transparence, tout cela constitue une profanation pure et simple des règles de la démocratie. Tel un monarque absolu, Macron décide pour les citoyens et ne s’embarrasse pas de ce qu’ils pensent.
Les gilets jaunes versus la CGT : à son commencement, le mouvement des gilets jaunes émanait de la société civile et non pas des syndicats de fonctionnaires, véritables spécialistes de la manifestation. Surtout, leurs récriminations ciblaient le problème chronique de notre pays à savoir l’excès d’impôts et de taxes de toutes sortes. Le chef de l’Etat ne s’y est pas trompé et a fait preuve d’une impitoyable fermeté, via une opposition musclée des forces de police ainsi qu’une loi « anti-casseur » aux contours jugés liberticides. Le nombre de morts, de blessés et de plaintes de manifestants[6] qui en a résulté n’était bien évidemment pas tolérable, ce qui a poussé Amnesty International à dénoncer un « usage excessif de la force » ! A l’inverse, rien de tel contre la CGT et consorts lors des manifestations concernant la réforme de la SNCF ou des retraites.
Arrogance à l’encontre des « petites gens »
Il est impossible d’imaginer qu’un chef d’un Etat démocratique puisse déborder de morgue à l’endroit de son peuple, et en particulier des « gens de peu ». Or, Macron a multiplié les déclarations en ce sens. Parmi les premiers signes, cette fameuse réplique condescendante à l’attention d’un jeune chômeur : « je traverse la rue, je vous trouve du travail ». Plus récemment : « une gare, c’est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien », ou encore : « on peut être cultivé et parler comme les Français »… Entre autres expression malencontreuses derrière lesquelles, au-delà d’une évidente inconvenance, transpire une cruelle absence d’empathie.
Mépris de l’habitus des Français
C’est probablement dans ce domaine que Macron se sera le plus personnellement engagé. « Il n’y a pas de culture française » avait-il déclaré pendant la campagne présidentielle, comme pour annoncer la couleur. Sans doute a-t-il un intérêt personnel direct derrière un tel acharnement contre l’art de vivre hexagonal. Cet acharnement s’avère hélas du plus mauvais effet.
La fête de la musique de 2018 est un exemple qui a tétanisé la toile, avec le couple Macron posant entouré de rappeurs blacks parmi lesquels une star de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres). Libérer les mœurs pour une meilleure acceptation des minorités sexuelles est bien évidemment utile lorsque le droit de ces minorités est bafoué. Mais est-ce vraiment le cas chez nous ?
Idem au lendemain de l’attentat de Carcassonne-Trèves, avec un président qui, contre toute attente, pose aux côtés de l’imam du Danemark dans les salons de l’Elysée. Il ne s’agit bien évidemment pas d’assimiler la communauté musulmane à l’islamisme. Mais cette dernière serait-elle en danger ? Tout comme pour la fête de la musique, n’est-ce pas un brin provocateur ? Quel est le message caché du président ?
Ainsi, méthodiquement et probablement sans même s’en rendre compte, Macron a savonné la planche sur laquelle il se trouvait, sabordant le peu de crédibilité dont il disposait, détruisant cette proximité avec le peuple sans laquelle il est impossible de gouverner, créant peu à peu chez une majorité de citoyens un solide sentiment de rejet qui lui interdit de réussir dans sa mission de chef de l’Etat. Ceci est d’autant plus navrant que rien dans sa politique ne peut venir sauver un tel constat.
[1] Impossible de nier l’immense rôle joué par le PNF/affaire Fillon et la diabolisation de Marine le Pen dans la victoire de l’ancien ministre de Hollande.
[2] Selon l’expression du Point pourtant peu farouche envers le gouvernement actuel.
[3] Il faut avouer que le bilan contra-cyclique de Hollande est tout simplement épouvantable, le seul pays n’ayant pas profité du puissant rebond d’après crise du crédit étant la France, grâce d’ailleurs aux conseils avisés de son conseiller fiscal devenu son ministre de l’économie.
[4] La division par deux en une vingtaine d’années de la part de marché mondiale industrielle de la France est un chiffre qui résume à lui tout seul la gravité de la situation…
[5] Comme en Suède, où la réforme des retraites y a été élaborée en toute transparence.
[6] 116 plaintes selon l’IGPN (Wikipedia)