A quelques semaines des élections présidentielles, il est navrant de constater qu’après n’avoir tenté aucune réforme de fond, le président Macron s’agite tout un coup, à coups de promesses et de cadeaux, afin d’être réélu.
Dans toute démocratie, la démagogie constitue un risque majeur. Mais la facilité avec laquelle cette démagogie se déploie en ce moment, au sommet de l’Etat, doit nous alerter. Car elle signe à la fois la régression de notre démocratie, et le cynisme d’un président qui ne s’en cache même pas. Analyse :
Comment se faire réélire malgré un bilan désastreux ?
Macron revalorise le point d’indice des cinq millions de fonctionnaires, quelques semaines avant les élections, tout comme son prédécesseur l’avait fait en 2017, avant de quitter l’Elysée (Huffpost 14/03/22). Bon prince, il décide également du versement d’une prime sur les carburants, alors que près de 60% du prix à la pompe sont des taxes gouvernementales.
Côté réformes, après avoir préparé un plan de retrait du nucléaire au début de son mandat, alors que la France est l’un des leaders mondiaux de l’énergie atomique, le président vient d’opérer un virage à 180 degrés sur ce domaine ô combien stratégique. De même qu’il songe tout d’un coup à conditionner le RSA à un minimum d’activité, si l’on en croît le porte-parole du gouvernement (RTL 15/03/22).
Sans compter la kyrielle de mesures d’accompagnement des entreprises pour faire face à la guerre en Ukraine : hausse du plafond des prêts garantis par l’Etat, prise en charge du surcoût énergétique, remises sur l’essence (Figaro 16/03/22). Les vannes sont grand ouvertes.
Tout cela n’est que le début d’une avalanche de promesses, de revirements et de cadeaux opportunément distribués, de la part d’un président qui ne peut surtout pas tabler sur son bilan pour se faire reconduire à la tête du pays.
Car, faut-il le rappeler, les résultats concrets du gouvernement Macron sont dangereusement mauvais. Ils se résument en une absence de réformes de fond doublée d’une dilapidation des fonds publics :
–absence de réformes de fond : alors que le pays accuse un appauvrissement de sa population (recul régulier du pays dans les classements internationaux en PIB per capita) et une désindustrialisation de son économie (plus de 50% de chute de notre part de marché mondiale), alors que les causes de ce déclin social sont identifiées (trop de taxes et trop de contraintes étatiques), la seule réforme qui est la mère de toutes les réformes et qui aurait permis au gouvernement d’inverser cette tendance funeste, la réforme de l’Etat, n’a même pas été envisagée.
Ainsi, l’hexagone trône toujours au sommet du hit-parade de l’OCDE en matière de prélèvements obligatoires. Ainsi, les entreprises françaises sont toujours parmi les plus imposées et les moins rentables d’Europe. Tandis que pour la première fois de notre histoire, le déficit de la balance commerciale a dépassé les 84 milliards d’euros (2021) et la part de l’industrie est passée sous le seuil des 10% du PIB (2020) ! Comble de l’inefficacité de l’Etat, la désindustrialisation s’est même accélérée depuis 2017[1].
-dilapidation des fonds publics : en cinq ans de gouvernance, les dépenses de personnel de l’Etat ont flambé de plus de 20 milliards d‘euros. Et loin d’avoir honoré sa promesse de réduire la dépense publique, Macron l’a portée à 60,7% du PIB. De fait, la France vient d’enfoncer un nouveau record historique, celui de la dette de l’Etat, qui s’élève à 2.834,3 milliards d’euros[2]. Quant aux dépenses d’investissement, celles qui préparent l’avenir et permettent d’enrayer notre déclin, elles sont toujours ridiculement faibles[3].
Hélas, aucun domaine n’a été épargné par le gouvernement Macron, que ce soit la réforme ratée des retraites, celle ruineuse et sans effet de la SNCF, les mouvements des Gilets Jaunes qui ont soulevé une violence rare (qui a suscité les avertissements du Conseil de l’Europe et d’Amnesty International), des blocages des services publics au sujet de ce si subtil « âge pivot », des mensonges et des retards dans la gestion de la pandémie (qui nous a valu la plus forte récession d’Europe pour un taux de mortalité pourtant bien supérieur).
Finalement, la seule opération correctement menée aura été celle du prélèvement à la source, ce qui en dit long sur la psychologie qui règne au sommet de l’Etat. Ne nous considère-t-il pas de plus en plus comme des sujets qu’il réduit peu à peu au rôle de contributeurs de ses agissements ?
Comment profiter d’une démocratie qui a certains de ses contrepouvoirs ?
Plusieurs conditions sont nécessaires pour qu’une démocratie fonctionne correctement parmi lesquelles l’existence de médias indépendants, d’un système scolaire efficace et d’une population instruite et informée.
Il semble que les choses se soient fortement dégradées sur ces trois dimensions.
-des médias indépendants : tout récemment, dans une interview, Eric Naulleau déclarait : « il y a vraiment un problème avec la surreprésentation des idées de gauche parmi les journalistes » (Livrenoir 28/02/22). Le phénomène n’est pas nouveau, une enquête réalisée fin 2019 auprès des deux plus grandes écoles de journalisme avait montré combien les cours devaient « être à gauche pour que les étudiants puissent trouver du travail » (dixit un professeur)[4]. On se souvient tous par ailleurs du fameux sondage sortie des urnes de la présidentielle de 2012 : 74% de journalistes avaient voté Hollande.
-un système scolaire efficace : tout enseignement doit aider à la compréhension du réel tel qu’il est, à favoriser la connaissance objective et à exercer l’esprit critique. Or ne serait-ce que sur le plan des mécanismes économiques, les programmes de l’Education Nationale sont fortement biaisés.
L’audit réalisé par l’Académie des Sciences Morales et Politiques en 2017 afin de vérifier que la réforme précédente avait atténué l’orientation marxiste des cours d’économie a révélé que cette déviation idéologique avait toujours cours[5]. Keynes, Piketty et Alternatives Economiques sont abondamment cités, sur fond d’ostracisme du patronat et du système financier.
Il en découle une dévalorisation de la prise de risque. Au travers d’une sémantique habilement choisie, les créateurs d’entreprises sont perçus comme des profiteurs ou des exploiteurs. Quant à la création de richesse d’un pays, ce processus est totalement incompris. Il a laissé le champ libre à une croyance illimitée dans la taxation des riches et dans l’effet magique de la redistribution étatique.
Cette déculturation, la même que celle qui a contaminé les journalistes, a fini par déteindre sur une partie de la population. Le manque d’intérêt pour l’économie politique, une vision déformée du monde moderne ainsi qu’une détestation pavlovienne du libéralisme[6] en constituent les tristes conséquences.
-une population instruite et informée : le libéral Michel Rocard[7] déplorait souvent « l’inculture économique de la France ». Les économistes Christian Saint-Etienne, Philippe Aghion et le prix Noble Edmund Phelps, entre autres, tiennent des propos tout à fait semblables. En réalité, les notes régulièrement médiocres obtenues par les Français lors des différentes enquêtes sur le domaine ne laissent aucun doute quant à la validité d’un tel constat. Cette ignorance ouvre bien évidemment la voie aux discours les plus trompeurs, les plus démagogiques, les plus fantaisistes.
De fait, il semble qu’il soit de plus en plus facile, pour les bonimenteurs de tous poils, de convaincre une partie significative de la population. Il suffit de promesses intenables mais qui flattent ceux qui les écoutent, de cadeaux ruineux pour le pays mais gratuits à l’instant présent, de discours démagogiques mais parfaitement enrobés de beaux sentiments, et le tour est joué.
Il suffit aussi de politiciens peu scrupuleux pour abuser de tels procédés. Or, force est de constater que Macron pousse assez loin leur usage.
[1] Cf. courbe de l’évolution de la part de l’industrie dans le PIB français (source Worldbank 2020)
[2] INSEE, 3ème trimestre 2021 soit 116,3 % du PIB
[3] Le livre d’Agnès Verdier-Molinié (présidente de l’Ifrap) « Le vrai Etat de la France, Les citoyens ont le droit de savoir ! » relate dans le menu le naufrage de notre économie, chiffres à l’appui
[4] Valeurs Actuelles décembre 2018
[5] « Le contenu des programmes économiques de l’Education Nationale encore et toujours orientés », Claude ROBERT Atlantico
[6] Qui est pourtant une philosophie née à gauche, et qui ne défend que la liberté individuelle, le principe de subsidiarité dans un Etat de droit !
[7] Michel Rocard était l’un des fondateurs des Gracques, think-tank libéral pour la rénovation de la gauche
20 mars 2022 10 h 49 min
Article commandé et publié par Contrepoints : https://www.contrepoints.org/2022/03/19/423608-2022-le-temps-des-cadeaux-et-des-promesses-du-president-sortant